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Couple fusionnel : le Graal ou l'enfer ?

Exaltée au temps des Romantiques, la fusion amoureuse semble aujourd’hui presque anachronique au regard de l’individualisme généralisé. Que reste-t-il de cette idée d’amour-symbiose et pourquoi continuons-nous à l’idéaliser ? Décryptage.



Le couple fusionnel a son image d’Épinal. C'est ce duo dans lequel l’un termine les phrases de l’autre et dont les membres, inséparables, racontent les mêmes histoires et font tout ensemble. Les fusionnels calquent leurs sorties sur l’agenda de leur moitié et leurs prénoms demeurent, dans la bouche de leur entourage, inlassablement accolés. Dans cette relation, le « nous » prédomine, jusqu’à éclipser l'individualité de chaque partenaire, qui n'existe que par et pour l’autre, en symbiose. 


Or, pour nombre de thérapeutes, la fusion est parfois synonyme de confusion - l’un se fondant dans l’autre -, et de négation de l’autonomie de chacun. À terme, la relation peut se transformer en repli sur soi et mener au « couple-prison » ou « couple-étouffoir » dépeint par le psychiatre Philippe Brenot dans Inventer le couple (1). Selon lui, ce type de couple traduirait un état de dépendance infantile ; l'amour-fusion renverrait à une blessure affective. « Ce sont des personnes qui peuvent être très sensibles au rejet ou qui ont connu une faille narcissique pendant l’enfance, explique Géraldine Chanal, psychologue et thérapeute de couple. Le couple fusionnel, c’est l’alliance de deux individus en demande excessive d’amour et à la recherche d’une sécurité affective qu’ils ne trouvent pas en eux. »

Pourtant, beaucoup de couples passent par une phase de fusion. « C’est une étape normale lorsqu’elle a lieu au début d’une relation, lors de la phase de découverte de l’autre », confirme la psychologue spécialiste du couple Salama Marine. « Viennent ensuite les phases de différenciation - avec les premiers désaccords - et d’exploration, qui permettent à chacun d’affirmer sa personnalité et de trouver un juste équilibre dans la relation. Mais lorsque le couple ne parvient pas à accéder à ces étapes de différenciation, il reste coincé dans l'état de fusion et de dépendance affective », complète-t-elle.  

Fusionnel vs "fissionnel"

Un modèle qui n'est plus vraiment d’actualité quand les injonctions sociales poussent à se réaliser individuellement. « L’amour fusionnel ne fait plus vraiment recette et n’est plus valorisé. Ce que les gens désirent avant toute chose ? Être célibataires, mais à deux. Ils sont à la recherche de toujours plus d’autonomie et d’indépendance. Par exemple, ils veulent se marier tout en vivant dans des appartements séparés. Même sans aller jusqu’à cet extrême, le simple fait de vivre dans une bulle, de s’éloigner de ses amis, de bouleverser sa vie sociale et personnelle pour être en couple n’est plus vraiment un comportement réaliste aujourd’hui. Chacun doit pouvoir vivre sa vie, parfois même à n’importe quel prix », analyse Salama Marine.

De fait, l’heure est d’avantage au couple « fissionnel », théorisé par le sociologue Serge Chaumier dans L’Amour fissionnel. Le nouvel art d’aimer (2). Cette nouvelle façon d’aimer, loin de la « fusion romantique », réhabilite la liberté des partenaires pour lesquels le couple n’est plus recherché en tant qu’entité fermée. 

Il serait désormais davantage une « association », certes plus instable, mais aussi plus respectueuse de l'individu que l’idéal de fusion, qui, nous dit Chaumier, masquait frustrations et inégalités entre les partenaires. Selon le sociologue, l’ouverture altruiste du couple peut être pleinement revendiquée comme une nouvelle façon d'aimer, quitte à redéfinir la notion même de fidélité.

"Un modèle à notre disposition"

Pour François de Singly, sociologue à l’université Paris-Descartes, le couple contemporain se vivrait en réalité davantage à la lumière de la notion d’« individualisme relationnel ». « Cela veut dire que l’un et l’autre s’emploient à se soutenir mais sans cette notion de communauté contenue dans l’amour-fusion », nous précise ce spécialiste, auteur de plusieurs études menées auprès de jeunes couples. 

« La modernité, c’est le plaisir de passer d’une relation à une autre, pas dans le sens de plusieurs relations amoureuses, mais d’aller et venir entre relations amoureuses, amicales et familiales », complète-t-il. Pour de Singly, les résidus de l’amour-fusion sont plutôt à chercher du côté de « moments » fusionnels intercalés entre d'autres temps de sociabilité et de réalisation personnelle extérieurs au couple. « La fusion est un modèle à notre disposition dans l’imaginaire. Mais à ma connaissance, rien ne dit que c’est ce qui fonde le couple. »

Faudrait-il pour autant s’empêcher toute velléité de symbiose ? Le psychiatre et thérapeute de couple Robert Neuburger n'est pas de cet avis. D'ailleurs, la « moralisation » de certains psys l'agace. Selon lui, l'expression même de « couple fusionnel » n’est pas valable, car elle impliquerait un jugement dans le « diagnostic ». Pour lui, le couple fusionnel n’existe tout simplement pas. 

« Ce sont plutôt des couples autosuffisants. On les voit très bien, ils se regardent dans les yeux, c’est une image presque iconique. C’est comme si le monde n’existait pas. Une autre expression pour les qualifier serait celle de "couple passionnel". Dans ces cas-là, on peut dire que la passion est très mal supportée par l’entourage. Il n'empêche que dans mes consultations, je vois des gens qui ont mis de côté la dimension passionnelle en recherchant avant tout une dimension "rassurante", et qui s’emmerdent ! 

Ceux qui ont pris trop de distance peuvent aussi aller mal », conclut ce professionnel, invitant à ne pas créer de catégories dans lesquelles ranger les maux conjugaux. Car après tout, « le couple est avant tout un exercice d’équilibre ». 

 4 conseils pour ne pas tomber dans les travers de la relation fusionnelle, par la psychologue Salama Marine

Ne parlez pas pour lui / elle 

C’est ce que font généralement les personnes en situation de couple fusionnel : elles anticipent les besoins de l’autre sans même qu’il ou elle ait à exprimer quoi que ce soit. Mais le piège est bien là. Il faut que chacun puisse exprimer ses envies et ses désirs avec ses propres mots pour pouvoir affirmer sa personnalité. Car même si cela part d’une bonne intention, parler pour l'autre peut très vite créer une situation malsaine.

Gardez vos propres occupations

N’arrêtez pas vos activités personnelles (sport, théâtre, etc.) pour votre couple. Cela peut sembler évident, mais beaucoup de personnes une fois installées en couple trouvent normal d’arrêter une ou plusieurs activités afin d’être plus souvent à deux. Or ces activités, ces passions font ce qu’est la personne en couple aujourd’hui. Arrêter ces activités équivaut à changer votre personnalité pour de mauvaises raisons.

Gardez vos amis 

Nous avons tous déjà eu un ou une amie qui une fois en couple disparaît des radars. Bien sûr, au début d’une relation, on ne ressent pas d'autre besoin que celui d'être au côté de l’autre, au risque d'en oublier ses amis sans même s’en rendre compte. C’est un effort quotidien que de trouver le juste milieu entre son partenaire et ses amis. Si vous ne gardez pas vos amis, sur qui pourrez-vous compter si un jour la relation tourne mal ou si vous avez besoin de conseils de personnes qui vous connaissant parfaitement bien ?

Rappelez-vous quelles sont vos valeurs

Au fur et à mesure que le temps passe, nous sommes aptes à définir quelles sont les valeurs qui nous importent. Ces valeurs nous permettent de prendre position au moment d'une prise de décision ou quand vient le moment de faire des choix de vie. Mais dans un couple fusionnel, chacun a tendance à oublier ses propres valeurs et à ne jamais vraiment s’affirmer auprès de l’autre. Il faut pourtant s’efforcer de prendre position. Cela ne signifie pas forcément « entrer en conflit », mais plutôt affirmer sa personnalité afin d’exister au sein de la relation. 

(1) Inventer le couple, de Philippe Brenot, Éd. Odile Jacob, 224 p., 7,90 €.
(2) L’Amour fissionnel. Le nouvel art d’aimer, de Serge Chaumier, Éd. Fayard, 376 p., 20,30 €.

avec http://madame.lefigaro.fr 

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