Vous avez dit impunité ?
«L’impunité
est terminée dans ce pays et comme le président de la République l’avait dit,
on ne protégera personne. Il va ainsi y avoir un suivi et les responsabilités
seront situées... ». Ces propos été
tenus le 25 juin 2015 par le Premier Ministre, Monsieur Mohamed B. A. Dionne, lors de son face à face avec
les députés. En évoquant le rapport 2015
de l’Inspection générale d’Etat sur l’état de la gouvernance et de la reddition
des comptes, il a également ajouté que « des courriers donnant des instructions
de poursuites au garde des Sceaux sont signés».
En
effet, on est en droit de se poser la question de savoir quel est le spectre de
l’impunité dont parle M. Dionne. En l’écoutant, il a donné le sentiment que
l’impunité ne concerne que l’administration « technique » (remplacement du
préfet de Dakar, du Directeur régional des Impôts, du Directeur de l’Urbanisme,
tous faisant les frais de l’affaire des habitations détruites à la Cité
Tobago). Or, l’histoire toute proche nous rapporte que le ministre chargé de la
Microfinance s’est violemment attaqué à des magistrats de la cour des Comptes
en mission de vérification, sans qu’aucune sanction ne s’en est suivie. Moins
de quarante-huit heures plus tard, le gestionnaire du fonds concerné par la
mission est convoqué : il refuse de se présenter au jour et à l’heure fixés par
les vérificateurs. Aucune sanction. Y a t-il donc une impunité « politique » ?
C’est à croire.
Toujours
devant la représentation nationale, le Premier ministre a informé que des
courriers donnant instruction de poursuites au garde des Sceaux sont signés
et concernent le rapport 2015 de l’IGE.
Quid des rapports précédents ? Ne s’agit-il pas là de poursuite partielle, voire d’une impunité sélective.
Pour
rappel, en 2013, l’Inspection générale d’Etat a publié son premier rapport sur
l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes. Ce rapport
faisait état de manquements très graves.
A ce jour, les personnes citées dans le rapport, ne sont nullement
inquiétées. D’ailleurs, c’est dans ce
rapport que les vérificateurs ont recommandé la création d’une Cour de
répression des Infractions à caractère Economique et Financier (page 116). Elle
n’a pas encore vu le jour.
Dans
ledit rapport de 2013, plusieurs actes
de mal gouvernances relatifs à la contractualisation de la gestion des services
publics ou ceux relatifs aux pratiques de
fraudes, d’abus, de gaspillage, de corruption et de blanchiment de
capitaux ont été signalés par les Inspecteurs d’Etat. Pas de réaction du
Président de la République.
Concernant
le King Fahd Palace (ex Méridien), par exemple, les Inspecteurs généraux d’Etat
avaient constaté que la Société Hôtelière Africaine s’était vue confiée
illégalement le contrat de concession parce que qu’aucun appel d’offre n’a été
lancé. D’ailleurs les Inspecteurs généraux d’Eta avaient recommandé que l’Etat
résilie le contrat et qu’un appel d’offre ouvert soit lancé. De plus, une
situation qualifiée « d’inédite » avait été constatée par les mêmes Inspecteurs généraux d’Etat.
En
effet, dans ce contrat, 50% du Revenu Brut d’Exploitation (RBE) est versé au gestionnaire, en sus de sa rémunération de
sept millions (7 000 000 de francs CFA) par mois. Qu’est-ce qui a été fait au
jour d’aujourd’hui ?
Il en
est de même du Festival Mondial des Arts Nègres (FESMAN). Le rapport de 2013
renseigne que la participation sénégalaise était prévue, au départ, à la somme
de cinq milliards (5 000 000 000 de
francs CFA). Au finish, le FESMAN a coûté plus de quatre-vingt (80 000 000 000
milliards de francs CFA) au Trésor public, et donc, au peuple sénégalais. Il a
même coûté plus, parce qu’en parcourant le rapport 2013 de l’IGE, il y est
indiqué que le FESMAN a été financé au moyen de décrets d’avance, en ponctionnant
des crédits destinés à des programmes et projets sociaux. A ce montant de 80
milliards de F Cfa, il faut ajouter 6
999 484 083 francs FCA représentant la contribution des autres Etats et
organismes.
Ce
rapport a été remis est et bel
bien, selon la formule consacrée « sur
la table du Président de la République ». Qu’en a-t-il fait ? Qu’est-ce qui a
été fait depuis lors ? Quelles sont les responsabilités Délégué général, du
Délégué général adjoint, de l’ancien ministre des Finances, de l’ancien
ministre de la Culture et des présidents de commission du FESMAN ?
Quinze
milliards (15 000 000 000) de francs CFA ont été empruntés, puis payés par
l’Etat, mais logés dans le compte
bancaire d’une société privée, alors qu’elle n’avait aucun lien contractuel
avec le FESMAN. Dans une campagne de lutte contre l’impunité, a-t-on le droit
de taire et/ou de fermer les yeux sur
des manœuvres frauduleuses impliquant trois autorités de l’ancien régime
, qui ont causé à l’Etat du Sénégal un préjudice financier direct de trois
milliards sept cent millions (3 700 000 000) de francs FCA ? Ce montant avait servi à acheter quarante (40) véhicules
par l’Eta, sur la base de la production d’une fausse facture et d’un faux
procès-verbal (PV) de réception: 20 Mercedes (6 Mercedes S600, 12 Mercedes
S500, 1 Mercedes LS500 et 1 Mercedes E63) et 20 Lexus L460.L’IGE avait
clairement demandé dans son rapport de 2013, que l’Etat doit être remboursé.
L’a-t-il été ?
L’impunité
ne concerne-t-elle pas la LONASE, et l’Autorité de Régulation des
Télécommunication des Postes (ARTP) qui paie plus de 300 000 000 de francs de
loyer par an alors qu’elle a commandé
deux immeubles aux Almadies (de plus de 8 milliards) à un privé qui tarde à les livrer ? Et la Société
Africaine de Raffinage (SAR) ? Et les conditions de délivrance des licences de
pêche ?
Qu’en
est-il du rapport de 2014 de l’IGE dans
lequel SECURIPORT est cité ? Et de la
Construction la Maison du Sénégal à New York ?
Pour ce dernier cas, nous n’osons croire que c’est parce que Monsieur
Macky Sall, Président de la République l’a inaugurée que le peuple sénégalais
doit passer par pertes et profits, la
surfacturation et la surestimation des
frais architecturaux pour un montant d’un milliard huit cent millions de francs
CFA (rapport 2014 de l’IGE).
Par
ailleurs, un autre organe de contrôle, la Cour des Comptes, en
l’occurrence, avait produit elle
aussi plusieurs rapports qui ont mis à
nu la mauvaise gestion de quelques dirigeants de sociétés. Parmi ceux-là, celui
relatif à l’APIX, dirigée à l’époque par Madame Aminata Niane. Il n’y a pas eu
de suite. Ni la concernant, ni concernant certains de ses collaborateurs. Au
contraire, promue quelques temps après l’avènement de Monsieur Macky Sall à la
tête de l’Etat, qui l’avait nommée Conseillère à ses côtés. N’a-t-il pas là un
exemple d’impunité ?
La
production de passeports avait coûté aux Sénégalais 118 milliards. Selon la
Cour des Compte, avait signalé, en son temps, que la production attendue du
contrat qu’avait signé l’Etat du Sénégal, était de dix (10) millions de passeport
électroniques sur toute la durée du projet (20 ans), soit cinq cent mille (500
000) passeports électroniques par an. Or, les statistiques ont montré que de
2004 à 2007, la production totale cumulée était de 416.603 passeports. Force
est de constater que l’ancien ministre de l’Intérieur cité dans cette affaire
est également concerné par le cas SECURIPORT.
Monsieur
le Premier Ministre, les sociétés, agences et autres organisations ayant fait
l’objet de rapports par les corps de
contrôle sont-ils, pour ceux dont la gestion a été décriée les endroits où on
peut vivre en toute … impunité ?
Birahime
SECK
Membre
du Conseil d’Administration du Forum Civil
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