Sénégal: Un journaliste condamné pour homosexualité
- Photo : Fabien Guénot |
Tamsir Jupiter Ndiaye vient de passer quatre semaines à la prison de Rebeuss, à Dakar, au Sénégal. Il devrait y rester encore cinq mois puisque vendredi dernier, le 31 juillet, il a été condamné à six mois d'emprisonnement.
Journaliste, chroniqueur, enseignant et ancien employé de l'Unesco, Tamsir Jupiter Ndiaye a déjà été condamné pour «actes contre nature» en 2012. À l'époque, son procès avait fait grand bruit, et servi aux conservateurs et aux religieux dans leur combat contre la dépénalisation de l'homosexualité. De fait, le Sénégal punit toujours les relations sexuelles entre personnes de même sexe de cinq ans d'emprisonnement. Le journaliste a bénéficié d'une libération sur parole en 2013.
PAROLE CONTRE PAROLE
Les faits qui ont conduit Tamsir Jupiter Ndiaye une nouvelle fois en prison sont confus. Lui affirme s'être arrêté en juin dernier à une station-service, où il aurait été témoin d'une altercation entre jeunes. S'étant interposé, il a proposé à l'un d'eux de l'exfiltrer de la bagarre en voiture. Lorsqu'il s'est garé, il a entendu hurler son nom par des personnes qui poursuivaient la voiture. Il a pris peur et a trouvé refuge dans un commissariat.
La version du jeune homme diffère en de nombreux points. Il prétend que le journaliste lui a touché le sexe et l'a forcé à pratiquer une fellation. Des accusations qui ne seraient survenues qu'après que la police a retrouvé dans la poche du garçon le téléphone qu'il avait subtilisé à son agresseur présumé. Le garçon étant présumé mineur, Tamsir Jupiter Ndiaye a été mis en examen pour actes contre nature, pédophilie et conduite en état d'ivresse selon certaines sources, détournement de mineur selon d'autres. L'adolescent a, lui, été condamné à 45 jours de prison ferme pour le vol du portable.
Après de multiples reports, l'affaire a finalement été jugée la semaine dernière. Lors du procès, le journaliste a insisté sur le fait qu'il n'aurait jamais pu commettre les faits dont il est accusé en plein mois du Ramadan: «Je ne peux pas procéder au nafila (prières surérogatoires) et faire cela», a-t-il martelé, cité par PressAfrik, qui précise qu'il a aussi répété qu'il venait de «sortir d'une situation» dans le cadre de laquelle il a «perdu [son] travail» et que sa «famille est presque détruite».
Malgré ses dénégations et les accusations de son avocat, qui considère que les faits sont flous et que la présomption d'innocence n'a pas été respectée, le tribunal des flagrants délits a condamné Tamsir Jupiter Ndiaye à six mois de prison pour actes contre nature et l'a relaxé des deux autres chefs d'inculpation.
LA DÉPÉNALISATION DE L'HOMOSEXUALITÉ, PAS À L'ORDRE DU JOUR
Une lueur d'espoir a brièvement brillé en 2013 lorsque Sidiki Kaba, ancien président de la la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), a été nommé ministre de la Justice. Las, très vite, celui-ci s'est aligné sur les positions du gouvernement: «Je suis un ministre de la Justice qui exerce dans le cadre d'un gouvernement et qui exprime ses positions à travers celles du chef de l'État Macky Sall et qui s'impose à l'ensemble de ceux qui servent sous sa direction.»
Quelques semaines plus tard, cinq femmes – dont une militante de la seule association lesbienne sénégalaise – étaient arrêtées pour actes contre nature dans un bar de Dakar, puis libérées. Deux hommes ont quant à eux été incarcérés en janvier 2014.
Via Dos Manzanas.
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