Sénégal: l’engagement dans la coalition saoudienne qui fait débat
Les entraînements des soldats sénégalais à Dodji sont encadrés par des instructeurs français.
RFI/Carine Frenk
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Le président du Sénégal a
informé l’Assemblé nationale le 4 mai de l'envoi en Arabie saoudite de 2
100 militaires pour contribuer à la coalition internationale conduite
par Ryad contre la rébellion chiite au Yémen, à la demande du roi
Salmane. Appels sur l'actualité revient sur cette décision qui
s’inscrit dans le cadre des relations d’amitié qui lient les deux pays.
Il s’agit aussi de protéger et sécuriser les lieux saints de l’islam.
On a peu d’informations sur les modalités de l’opération. Pour le moment, on ne parle pas d’un déploiement au Yémen, sur le sol yéménite, mais bien d’un déploiement en Arabie saoudite, peut-être au niveau des frontières par exemple. Je ne suis pas en mesure de confirmer qu’il y a eu des contreparties financières ou pas. En tout cas, ce n’est pas comme cela que le Sénégal présente la chose. Officiellement, Dakar envoie ce contingent à la demande de Ryad pour contribuer à la sécurisation de l’Arabie saoudite et de ses lieux saints qui seraient « menacés par les groupes terroristes », pour reprendre les termes du message présidentiel. Et c’est au nom des relations d’amitié qui lient les deux pays. Le président Macky Sall parle ainsi d’un « acte de solidarité fort et de reconnaissance envers un pays ami, cher au peuple sénégalais ».
Cet envoi soulève de nombreuses questions…
Cette décision d’envoyer un contingent aussi important suscite en effet beaucoup d’interrogations : d’abord, c’est le sentiment que le Sénégal s’engage dans un conflit compliqué, loin de chez lui et qui est perçu comme n’étant pas le sien…
En outre, les lieux saints de l’islam sont-ils vraiment menacés aujourd’hui ? N’est-ce pas là un prétexte ? Pourquoi s’engager au sol quand d’autres alliés de l’Arabie saoudite - musulmans comme le Sénégal - refusent de le faire ? Pourquoi rejoindre une coalition qui n’agit pas sous mandat onusien ? Toutes ces questions ne trouvent pas forcément de réponse. D’où cette idée qu’il y a une contrepartie financière… L’Arabie saoudite s’est-elle engagée à investir massivement dans le plan « Sénégal émergent » ?
Y a-t-il eu notamment un accord sur le financement de la fin des travaux du futur aéroport de Dakar, l’AIBD ? C’est possible, mais on ne saura jamais ce qui s’est dit entre les deux chefs d’Etat début avril à Ryad. Moustapha Diakhaté, le président du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale, dément en tout cas que les soldats sénégalais soient envoyés contre des pétrodollars. Pour lui, c’est une tradition au Sénégal de s’impliquer pour le maintien de la paix… Et cette intervention s’inscrit dans le cadre de la lutte anti-terroriste.
Hommage aux soldats sénégalais tombés au Mali, le 18 décembre. Reuters/Adama Diarra |
La plupart du temps, ces accords-là sont des accords secrets. Dans son message à l’Assemblée nationale, le président Macky Sall n’a fait aucune référence à un tel accord, ce qui aurait été un élément de justification. Et au ministère des Affaires étrangères, on ne confirme pas non plus son existence. Ce serait donc le choix du président Macky Sall. Un choix qui entre dans le cadre de ses prérogatives de chef de l’Etat.
Le Sénégal a-t-il vraiment les moyens militaires pour intervenir ?
On peut raisonnablement imaginer que les frais sont pris en charge par l’Arabie saoudite. Pour les moyens militaires, c’est une question qui inquiète de nombreux acteurs et observateurs de la vie politique. Selon les chiffres généralement recoupés, toutes les armées sénégalaises confondues (Terre-Air-Mer) tournent autour de 18 000 hommes. Actuellement, des contingents sénégalais sont présents sur quatre théâtres d’opérations : Mali, Darfour, Côte d’Ivoire et Guinée-Bissau. Il faut compter en tout environ 2 000 hommes, selon une bonne source.
Et il ne faut pas oublier qu’il y a, au sud du Sénégal, le conflit casamançais. Il est vrai qu’il y a une accalmie sur ce front depuis quelques années, une situation de ni guerre ni paix, mais qui oblige l’armée à être présente et vigilante. Pour le colonel Abou Thiam, porte-parole de l’armée, le Sénégal a néanmoins la capacité militaire de répondre à cet appel de Ryad. « La décision a été prise en connaissance de cause, nous sommes en mesure d’assurer la sécurité intérieure ainsi que notre engagement sur les autres théâtres d’opération », affirme-t-il.
Dans tous les cas, rassembler 2 100 hommes sera un défi considérable pour l’armée sénégalaise même si elle peut y arriver. Le Sénégal pourra éventuellement faire appel à ses réservistes. Il faut aussi équiper ces hommes, les préparer, les transporter, envisager leur soutien une fois sur place. C’est tout un défi logistique également.
avec Rfi.fr
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