Quand l'arrêt de la pilule dope la libido
Les femmes sont de plus en
plus nombreuses à témoigner d'une montée fulgurante de leur désir après l'arrêt
d'un contraceptif hormonal. La pilule serait-elle donc un frein à une vie
sexuelle épanouie ?
Pour Caroline, avant, au lit, « l'envie venait en
mangeant ». Sa libido était parfois d'humeur flemmarde, même quand
tout allait pour le mieux avec son amoureux. Puis, après avoir été
pendant quatre ans sous pilule contraceptive, la jeune étudiante
décide d'arrêter. Trois semaines plus tard : la révolution. « Avant, je
pouvais me passer de sexe pendant une semaine. Maintenant, quand je fais
l'amour le soir et le lendemain à 17 heures, ça me démange à nouveau. L'envie
vient plus naturellement. Cela faisait longtemps que ça ne m'était
pas arrivé et, franchement, c'est agréable », affirme la jeune femme, qui
a opté pour le stérilet en cuivre sur les conseils de sa gynécologue. « C'est
elle qui m'a parlé spontanément des effets néfastes de la pilule sur la
libido. Elle a travaillé en Afrique et m'a dit que les femmes revenaient
la voir pour lui dire que la pilule était nulle, qu'elles n'avaient plus envie
de leur mari. »
Elles sont de plus en plus nombreuses à déclarer, quel
que soit leur âge, avoir retrouvé une libido plus forte et une sexualité
plus épanouie après l'arrêt du contraceptif hormonal le plus utilisé en
France. Comme si les hormones absorbées avaient fait baisser, voire
éteint, le désir et que, soudain, l'interrupteur revenait sur on.
Pour
Sabrina, 36 ans, il n'y a pas de doute. « Je ne reprendrai la pilule pour
rien au monde », assure cette assistante de direction. Elle qui se
sentait déprimée sans raison valable a vu le changement radical s'opérer deux
mois après avoir arrêté de prendre la pilule. « Magie ! Plus d'idées
noires, la grande forme physique, une envie de croquer la vie... et les hommes
aussi ! » Même constat chez Adeline. En plus de retrouver un appétit
sexuel, l'avocate de 26 ans se sent désormais plus entière. « D'une
manière générale, je trouve aussi que mes émotions sont beaucoup plus
exacerbées quand je ne prends pas la pilule. Je suis plus heureuse, ou plus
triste. Tout ça me donne le sentiment finalement que prendre la pilule me rend
"moins moi", moins authentique. »
La pilule, longtemps symbole de la libération sexuelle
des femmes, mettrait-elle donc notre désir sexuel en veilleuse ? Pour Odile
Buisson, gynécologue et spécialiste du plaisir féminin (1), le phénomène ne
concerne qu'un faible pourcentage des femmes sous contraception hormonale.
D'après une étude de l'institut Kinsey datée de 2001, 8 % de femmes ont
interrompu leur contraception hormonale ou changé de méthode pour retrouver
leur libido.
« La prise de contraceptifs hormonaux fait baisser le taux
d’androgènes, dont la testostérone, qui est l’hormone du désir. Mais aucun
impact systématique n’a pu être démontré sur la libido. Il se pourrait que
les femmes qui constatent effectivement une baisse de leur désir soient
plus sensibles que les autres à la diminution de la testostérone. Les
injections de progestérone à haute dose suppriment le désir et les conduites
sexuelles, mais en général les contraceptions hormonales actuelles sont
faiblement dosées. »
Prendre la pilule me
rend moins authentique
Les médecins encore
réticents sur le sujet
Difficile de savoir si un « retour » de la libido
s'opère quand les femmes qui ont commencé à prendre la pilule dès le
début de leur vie sexuelle - comme Adeline, à 16 ans - arrêtent
de prendre ce type de contraceptif.
Si aucune comparaison avant/après n'est
possible, la jeune avocate a tout de même observé par elle-même la
corrélation entre forte dose d'hormones et baisse de désir. « Je me suis rendue
compte de l'impact en changeant plusieurs fois de pilule, chaque fois
avec un dosage de moins en moins fort. Ma libido a augmenté à chaque
changement de pilule. Quand j'ai arrêté, l'effet s'est fait ressentir tout
de suite. »
Parce qu'elle n'a pu se fier qu'à
elle-même, Adeline a mis plusieurs années à comprendre les effets de
la pilule sur sa vie sexuelle. Son gynécologue aurait pu lui faire gagner du
temps. Au lieu de ça, « il m'a regardée avec indulgence en disant :
"C'est sûr qu'il y a des effets secondaires, mais il vous faut bien une contraception !" ». Adeline a fini
par changer de spécialiste. « J'aimerais que les médecins soient
mieux informés sur les méthodes contraceptives non hormonales, et
n'hésitent plus à proposer celles-ci en priorité, au lieu de prescrire la
pilule par défaut. »
La sexualité fait partie intégrante de la santé !
Entre les médecins, les gynécologues et leurs
patientes, l'omerta règne. « Peu de femmes osent parler de leur sexualité
à leur médecin, par pudeur ou par crainte de se heurter à un mur. D’un
autre côté, les médecins évitent de poser des questions d'ordre
sexuel de peur d’être intrusif voire d’offusquer leur patiente, explique
Odile Buisson. N’oublions pas qu’il y a toujours cette idée tenace que la
conduite sexuelle est un choix de vie, alors que la sexualité fait partie
intégrante de la santé ! »
Quid du plaisir sexuel de ces femmes qui
ingèrent des hormones pendant des années pour disposer d'une vie
sexuelle dont elles profitent moins au final ? Encore une fois, le désir
féminin peut attendre longtemps dans la salle d'attente du gynécologue avant
d'être convié à la discussion. « Les troubles sexuels féminins sont un
sujet délicat car le tabou sociétal est encore bien présent, précise Odile
Buisson. Les médecins n’échappent pas à la règle, car c’est la société qui
formate ses médecins et non l’inverse. C’est sans doute pour cette raison que
les laboratoires communiquent plutôt sur les effets indésirables non
sexuels des contraceptifs (maux de tête, tension mammaire, saignements, etc.)
plutôt que sur leur impact sur le désir. Quoi qu’il en soit, lors de la
prescription ou pendant le suivi d’une contraception, la question doit être
abordée et les patientes prévenues d’effets potentiels sur leur sexualité. »
Pas de solution miracle
Rachel a dopé sa vie sexuelle sans le vouloir. Il y a
un an, la jeune femme de 23 ans est passée au stérilet. Après sept ans de pilule,
il s'agissait pour elle d'arrêter de « se gaver » de comprimés
médicamenteux. « J'avais lu quelques articles sur les incidences de
la pilule sur la libido, mais je ne me sentais pas concernée car j'ai toujours
été satisfaite de ma vie sexuelle. Je ne savais pas ce que ça faisait de faire
l'amour sans prendre d'hormones. Après avoir fait poser mon stérilet, je me
suis rendu compte que mon corps avait été sous
inhibiteur. » Contrairement aux autres femmes qui ont témoigné,
Rachel n'a pas plus envie qu'avant, mais son corps, lui, est mieux disposé. «
La sensation pendant l'amour est différente. Je n'ai plus de problème de
sécheresse, qui faisait cesser le rapport à cause des irritations. »
Si Rachel n'a jamais été aussi épanouie au lit, elle
se garde bien de faire du prosélytisme auprès des autres femmes. « Il ne
faudrait pas que les filles arrêtent la pilule, se fassent poser un stérilet
juste pour ça. La sexualité, c'est aussi l'apprentissage de plein d'autres
choses. » Un long chemin, sur lequel se rencontrent confiance en
soi, expérience, dialogue et information. Reste que le plaisir des femmes
qui choisissent cette contraception ne semble pas intéresser la science.
« Nous manquons d’études prospectives qui soient indépendantes des
laboratoires et qui analyseraient les effets sexuels potentiellement négatifs
de telle ou telle contraception hormonale, constate Odile Buisson. C’est
vraiment dommage. »
(1) Qui a peur du point G ? Le plaisir
féminin, une angoisse masculine, d'Odile Buisson et Pierre Foldès,
Éd. Jean-Claude Gawsewitch, 216 p., 19,15 €.
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