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Alcool: un risque à suivre comme la glycémie ou le cholestérol

L'Inpes estime que le nombre de personnes en difficulté avec l'alcool atteint 10 % de la population.
Comme pour de nombreuses maladies chroniques, plus l'alcoolisme est détecté tôt, plus son traitement est efficace.
«La définition de la maladie alcoolique est aussi précise que celle des autres maladies. Il faut rester dans un schéma médical classique, souligne le Pr Michel Lejoyeux, chef du service psychiatrie et addictologie de l'hôpital Bichat, à Paris. On voit cependant les patients toujours trop tard car il s'agit d'une addiction socialement encouragée.» Le dépendant à l'alcool raconte en effet une histoire que personne ne veut entendre: un produit que l'on consomme normalement, dont la consommation peut même être un signe de bonne santé, peut poser problème.


Il faut intégrer le fait qu'il y a une différence entre l'alcool «correct» et l'alcool «à problème». «On n'est pas tous un peu alcooliques, insiste le Pr Lejoyeux. On ne dirait pas qu'on est tous un peu cancéreux, par exemple.» Les critères sont précis, chacun peut s'interroger régulièrement, ou avec son médecin traitant, sur sa consommation d'alcool. Le diagnostic n'est pas toujours quantitatif mais il cherche à identifier une relation «passionnelle» avec un produit, comme dans toutes les addictions. L'objectif du repérage est de modifier ses habitudes de consommation pour limiter ou même éviter les dommages que l'alcool ne manque jamais de provoquer.

49.000 morts par an en France

Les conséquences peuvent être graves et évidentes: l'alcool est directement responsable, chaque année, de 49.000 morts en France. Il s'agit de la deuxième cause de mortalité évitable, après le tabac. Sa consommation chronique provoque des cancers, des maladies cardio-vasculaires, des troubles hépato-digestifs ou neurologiques et des complications psychiatriques d'autant plus fréquentes que l'alcool lui-même favorise la dépression. Dans la majorité des cas, avant d'arriver à ce type de dommages «organiques», l'alcool aura provoqué des dommages sociaux et professionnels qu'il est également possible d'éviter. Comportements indélicats qui conduisent à l'isolement, à la stigmatisation, prises de risque, accidents, violences infligées ou subies, y compris sur le plan sexuel: le coût individuel et pour la société est énorme.

L'Inpes estime que le nombre de personnes en difficulté avec l'alcool atteint 10 % de la population et qu'en France plus de 2 millions de personnes sont atteintes de dépendance à l'alcool, alors que moins de 5 % d'entre elles sont traitées. Cette mauvaise prise en charge a une origine culturelle: l'alcool, et le vin en particulier, fait partie de notre culture et il est difficile d'aborder cette question avec son entourage familial ou professionnel, de peur d'être accusé d'être un «rabat-joie».

Comme pour de nombreuses maladies chroniques, le traitement du mésusage de l'alcool est d'autant plus efficace qu'il est dépisté rapidement. Il est plus facile de limiter sa consommation pour rester en dehors des seuils «à risque» lorsque la dépendance ne s'est pas installée et le repérage précoce est considéré, depuis une dizaine d'années, comme l'intervention la plus efficace.

Aborder la question en cabinet

Le rôle du médecin généraliste est essentiel: la consommation d'alcool est un risque similaire à l'hypertension, l'hyperglycémie, le cholestérol. La question de la consommation d'alcool doit être abordée avec autant de simplicité qu'on évoque l'usage du tabac, sans culpabilité et surtout sans agiter le chiffon rouge de l'abstinence. Le mésusage de l'alcool est un chemin continu, qui évolue petit à petit, dans la majorité des cas, depuis une consommation à risque vers la dépendance, à divers degrés. Plus l'addiction est profonde, plus l'abstinence devient un objectif indispensable à atteindre pour éviter les conséquences les plus graves de la consommation d'alcool, mais elle n'est pas toujours indispensable. «Si vous voulez être sûr de continuer à boire, interrogez votre médecin et vous-même régulièrement sur votre consommation», indique le Pr Michel Reynaud, psychiatre à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif dans le service dirigé par le Pr Henri-Jean Aubin.

«Exiger l'abstinence conduit à faire fuir de nombreux patients, regrette le Pr Aubin. Il faut trouver des objectifs qui correspondent à la motivation du patient et viser la réduction des risques, toujours utile.» Les patients ressentent souvent comme une double peine le fait d'être accusés de manquer de volonté alors qu'ils luttent en permanence contre un désir irrépressible de consommer dû à leur dépendance. Ils peuvent alors éviter d'en parler pour ne pas être confrontés aux reproches et au jugement. Pourtant, il est aujourd'hui admis qu'il est toujours utile d'au moins réduire un peu sa consommation, même après un long parcours de mésusage de l'alcool, avec des effets positifs rapides qui peuvent conduire les patients à franchir une par une les marches du contrôle de leur dépendance.

avec http://actions-addictions.org (fonds réunissant professionnels de santé et patients)

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