Affaire des écoutes : l'horizon judiciaire de Nicolas Sarkozy s'assombrit
Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog ont tenté d'obtenir une annulation de la procédure. © MEHDI FEDOUACH-VALERY HACHE / AFP |
La chambre
d'instruction de la cour d'appel de Paris valide "l'essentiel" de la
procédure dans laquelle l'ancien président de la République est mis en examen.
Un obstacle
de taille demeure sur le chemin de la présidentielle de 2017 pour Nicolas
Sarkozy : la justice a validé jeudi les écoutes qui lui valent
d'être mis en examen pour corruption et trafic d'influence. Gelée depuis
l'automne, le temps d'examiner les requêtes, l'enquête va donc reprendre, le
pourvoi en cassation déposé jeudi par les avocats n'étant pas suspensif, selon
des sources judiciaires. Avec la menace persistante, en fin d'instruction, d'un
possible renvoi en correctionnelle pour l'ancien président qui est redevenu le
chef de l'opposition. Nicolas Sarkozy est soupçonné d'avoir, avec son avocat
Thierry Herzog, envisagé de corrompre un haut magistrat, ce qui suffirait à le
renvoyer en procès.
"Justice
spectacle", a aussitôt réagi le porte-parole de l'UMP Sébastien
Huyghe, dénonçant "une instrumentalisation de la justice".
Mais, dans l'ensemble, les grands élus UMP s'en tenaient jeudi à une prudente
réserve. "Pas de commentaires sur une affaire de justice en cours",
s'est borné à dire l'ancien ministre Xavier Bertrand.
"Corruption active"
"Contrairement
à ce que nous pouvions légitimement espérer, la cour n'a pas fait droit à
l'essentiel de nos moyens de nullité, à une seule exception", a regretté
l'avocat Paul-Albert Iweins, qui défend Me Herzog et s'exprimait à la sortie de
la chambre de l'instruction de la cour d'appel entouré de ses confrères. Selon
une source proche du dossier, cette exception est accessoire.
Ce dossier a
valu à l'été 2014 à Nicolas Sarkozy d'être le premier ancien chef de l'État
placé en garde à vue. Il est mis en examen pour "corruption active",
"trafic d'influence actif" et "recel de violation du secret
professionnel".
"Magouiller avec Sarkozy"
Il est
soupçonné d'avoir, avec son avocat, tenté d'obtenir indûment auprès d'un haut
magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, des informations couvertes
par le secret dans l'affaire Liliane Bettencourt, où il contestait la saisie de
ses agendas après avoir bénéficié d'un non-lieu. En échange des renseignements
souhaités, Nicolas Sarkozy aurait promis d'intervenir pour que le magistrat
obtienne un poste de prestige à Monaco. Au final, l'ancien président n'a pas
obtenu gain de cause sur ses agendas à la Cour de cassation, ni Gilbert Azibert
le poste convoité. Mais cela ne change rien, l'intention suffisant pour engager
des poursuites.
Les écoutes
de conversations entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog sont centrales dans le
dossier. "Moi, je le fais monter !" dit-il ainsi le 5 février 2014 à
Me Herzog à propos de Gilbert Azibert. "Je l'aiderai", insiste-t-il,
s'exprimant depuis un portable fourni par son avocat et souscrit au nom
d'emprunt de Paul Bismuth. Le 23, alors que l'ex-chef de l'État doit se rendre
dans la Principauté, Me Herzog lui rappelle, si l'occasion se présente,
"de dire un mot pour Gilbert". Nicolas Sarkozy acquiesce, dit qu'il
fera "la démarche", ce qu'il confirme deux jours plus tard. Le
lendemain, il renonce subitement. Nicolas Sarkozy y voit la démonstration qu'il
n'a rien à se reprocher. Pour les enquêteurs, ce revirement peut s'expliquer
par le fait que les deux hommes viennent d'apprendre que leurs téléphones non
officiels sont sur écoutes.
Les juges
disposent d'autres écoutes, comme celle de Gilbert Azibert avec son épouse
après la révélation de l'affaire : "T'es au 30e dessous", dit-elle.
"Mais enfin... aussi... Qu'est ce que tu veux, t'es allé magouiller avec
Sarkozy." Gilbert Azibert, qui a depuis quitté la magistrature, et Me
Herzog sont également mis en examen.
Franck Louvrier en garde à vue
Nicolas
Sarkozy, qui n'avait pas caché son énervement devant les magistrates Claire
Thépaut et Patricia Simon qui l'ont mis en examen, réfute toute volonté de
corrompre. Il a mis en doute l'impartialité politique des magistrates. La thèse
des enquêteurs est "une insulte à (son) intelligence", avait dit lors
de sa garde à vue Nicolas Sarkozy.
Le président
de l'UMP ou ses proches sont cités dans plusieurs dossiers judiciaires. Son
ex-conseiller en communication Franck Louvrier a ainsi été placé en garde à
vue jeudi dans l'enquête Bygmalion sur un vaste système présumé de
fausses factures durant la campagne présidentielle de 2012.
Avec Afp
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