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Quel effet des différents médias sur la participation politique ?

Quel effet des différents médias sur la participation politique ? Voilà une question qui le mérite d'une réflexion pointue. La rédaction de Kafunel vous en livre les réponses ...

Les journaux, la radio, la télévision et aujourd’hui internet. Les médias ont depuis leur origine joué un rôle clef dans le processus démocratique.

Tout d’abord, parce qu’en informant les citoyens – de la tenue des élections, des programmes des différents candidats... – ils ont eu un effet sur la participation politique.

Aux États-Unis par exemple, l’introduction des premiers quotidiens s’est accompagnée d’une augmentation de la participation, comme l’ont montré Gentzkow, Shapiro et Sinkinson (2011) en étudiant l’effet des journaux quotidiens américains sur les comportements de vote de 1869 à 1928 – confirmant ainsi l’intuition d’un Alexis de Tocqueville.

Un journal supplémentaire augmente la participation aux élections législatives et présidentielles de 0,3 trois points de pourcentage ; le premier entrant sur le marché d’un point de pourcentage, un effet massif.

3Plusieurs facteurs peuvent venir rationaliser cet impact positif des journaux sur la participation politique, et en particulier leur contenu informatif.

Nombreux sont les travaux qui ont montré que la probabilité que les individus votent augmente s’ils sont mieux informés (Feddersen et Sandroni, 2006 ; Lassen, 2005). Bien sûr cet effet est loin d’être spécifique aux journaux, et la radio en particulier a également joué historiquement un rôle similaire.

démocratie www.kafunel.com médias et démocratisation quels enjeux
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L’effet de la télévision en démocratie est lui plus compliqué, et ce pour une raison simple : la télévision « détourne » les citoyens des médias au contenu informatif plus élevé, et leur donne au contraire à consommer davantage de divertissement (« entertainment »).

Comme l’a souligné Nielsen (1975), l’ensemble du texte d’un journal télévisé des années 1950 ne remplirait que trois colonnes de la une du New York Times ! Elle conduit ainsi en moyenne à une baisse des connaissances politiques des citoyens. Gentzkow (2006) a montré qu’aux Etats-Unis l’introduction de la télévision explique entre un quart et la moitié de la baisse de la participation politique depuis les années 1950.

5Cet effet négatif de la télévision sur la participation politique s’est accéléré avec la diffusion de la télévision câblée, comme l’ont montré les travaux de Markus Prior (2005, 2007).

En effet, là où la télévision dès les années 1930 est venue « détourner » les citoyens d’autres médias plus informatifs – les laissant toutefois confrontés, chaque jour, à quelques minutes de journaux télévisés – la télévision câblée a démultiplié à l’infini les choix offerts aux téléspectateurs, qui ont ainsi la possibilité de choisir de ne jamais consommer d’information. Non seulement cela a conduit à une baisse de la participation politique en moyenne, mais également à une augmentation de la polarisation. Ceux qui souhaitent s’informer le peuvent mieux et plus que jamais ; alors même que dans un environnement médiatique où le choix est élevé, une partie importante des citoyens est moins bien informée que par le passé.

Ce qui n’est pas sans conséquence pour le bon fonctionnement de nos démocraties qui voient l’engagement politique diminuer au moment même où le vote pour les extrêmes ne cesse d’augmenter.

Ce qui n’est pas sans conséquence non plus pour la cohésion de ces démocraties, car la télévision « traditionnelle » et son nombre de chaînes limité avait un effet d’homogénéisation. La télévision se consommait à plusieurs, en famille ou entre amis ; et chacun ayant vu les mêmes programmes, tout le monde pouvait en discuter. Au contraire, le monde de la télévision câblée, c’est celui du « bowling alone » de Putnam (2000).

Un monde où les contacts réguliers avec les amis et les voisins n’ont cessé de diminuer. Il ne s’agit pas de déplorer la perte d’un certain lien social, mais d’en souligner les risques pour la démocratie, avec en particulier un risque croissant de « désinformation », les citoyens vivant de plus en plus dans ce que Sunstein (2002, 2009) qualifie de « chambres d’écho » ou de « cocons d’information » et filtrant de manière croissante l’information à laquelle ils choisissent d’être confrontés.

Différents médias sur la participation politique à 100% ?

Cet effet paradoxal de la télévision – un média « de masse » dont on aurait pu s’attendre qu’en démocratisant l’information il augmente les connaissances et la participation politiques – est similaire pour Internet.

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Avec Internet, il n’a jamais été aussi facile d’acquérir de l’information ; jamais l’information n’a été aussi accessible, et ce le plus souvent de manière gratuite.

Et pourtant, l’accès à Internet a réduit la participation politique, comme l’ont montré Falck, Gold et Heblich (2014) dans le cas allemand, et Gavazza, Nardotto et Valletti (2016) dans le cas anglais.

Car Internet, comme la télévision avant lui, a détourné les citoyens de l’information, citoyens qui d’une part consomment davantage de divertissement, et qui d’autre part lorsqu’ils consomment de l’information, sont exposés à un nombre réduit de points de vue.

Cet effet négatif d’Internet, au-delà de son impact sur nos comportements de consommation, peut aussi s’expliquer en partie par les spécificités de la production de l’information en ligne.

J’ai mesuré dans mes travaux, menés en collaboration avec l’Institut National de l’Audiovisuel, la vitesse de propagation de l’information sur Internet (Cagé, Hervé et Viaud, 2015).

En nous focalisant sur les sites internet de l’ensemble des médias d’information politique et générale en France et en prenant en compte l’ensemble des articles publiés par ces sites en 2013, nous avons montré qu’en moyenne une information publiée sur un site est republiée sur un autre site en 187 minutes (environ trois heures) ; mais en moins de 215 secondes dans 25 % des cas.

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Or cette rapidité se fait au détriment de l’originalité : le taux d’originalité des articles publiés sur Internet n’est que de 38 %. 66 % des articles sont au moins pour moitié du copier-coller.

Quelles conséquences pour l’information des citoyens dans nos démocraties ? La rapidité de la propagation de l’information pourrait conduire à un meilleur accès de chacun à cette information.

Médias et Démocratie
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Mais elle a un effet négatif sur les incitations des médias à produire de l’information originale en premier lieu : du fait de cette rapidité, les médias qui produisent de l’information originale n’en tirent qu’un bénéfice extrêmement limité en termes d’audience en ligne – et ils n’arrivent de plus que difficilement à monétiser cette audience – alors même que cette information est extrêmement coûteuse à produire, nécessitant un « investissement » en journalistes.

D’où un phénomène de « passager clandestin » qui permet de rationaliser la baisse extrêmement rapide de la taille moyenne des rédactions des médias d’information politique et générale au cours des dix dernières années, aux États-Unis comme un peu partout en Europe (Cagé, 2015 ; Cagé, 2016).

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