Yurii Pyvovarov, Ambassadeur d’Ukraine au Sénégal: «L’Afrique influencera la politique mondiale»
«L’Afrique influencera la politique mondiale», a affirmé Yurii Pyvovarov, Ambassadeur d’Ukraine au Sénégal.
Yurii Pyvovarov, Ambassadeur d’Ukraine au Sénégal: «L’Afrique influencera la politique mondiale»
L’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d’Ukraine au Sénégal, Yurii Pyvovarov, nouvellement installé dans ses fonctions, souhaite que le dialogue entre Dakar et Kyiv ne soit pas fragmentaire, mais régulier et plus dynamique.
Son ambition, c’est d’ouvrir davantage l’Ukraine au Sénégal.
Vous êtes nouvellement nommé Ambassadeur d’Ukraine au Sénégal, quel est l’état des lieux de la coopération entre Dakar et Kyiv ?
Je vais commencer par dire que j’ai eu le plaisir d’entendre, lors de ma participation au Forum de Dakar sur la paix et la sécurité, un groupe de jeunes étudiants que les Sénégalais ressemblent beaucoup aux Ukrainiens.
J’ai demandé pourquoi ?
Ils m’ont dit que les Ukrainiens, tout comme les Sénégalais, adorent recevoir des invités, ils sont aussi accueillants, bienveillants et gentils.
Pour être honnête, c’était très agréable et important pour moi, car c’était dit par des jeunes de moins de 30 ans.
C’est une génération merveilleuse qui va construire son propre pays. Ce sont des jeunes dont on peut être fier.
Le Sénégal est et restera un partenaire important de l’Ukraine en Afrique de l’Ouest.
L’état de nos relations bilatérales aujourd’hui est loin de ce qu’il pourrait être. Je parle, tout d’abord, des perspectives que nos deux pays ont et qui n’ont pas été pleinement exploitées.
La base juridique de nos relations doit être élargie, notamment en termes de coopération commerciale et économique.
Plusieurs projets d’accords importants restent actuellement à l’examen des parties sénégalaise et ukrainienne. Il est nécessaire d’accélérer leur examen.
Il est également important d’intensifier les contacts d’affaires entre nos deux pays.
Il est encourageant de constater qu’au cours de la dernière année, le nombre de demandes d’entreprises sénégalaises visant à trouver des partenaires en Ukraine a considérablement augmenté.
Nous favoriserons certainement l’établissement d’un partenariat fiable entre les milieux d’affaires de nos deux pays.
Et, bien sûr, l’une de mes tâches principales est d’intensifier le dialogue politique entre l’Ukraine et le Sénégal.
Je suis heureux de constater qu’entre les Ministres des Affaires étrangères de nos deux pays Mme Aïssata Tall Sall et M. Dmytro Kuleba sont déjà établies des relations personnelles amicales et constructives ; ce qui est très important.
Je prévois de travailler à l’organisation d’une série de visites bilatérales des dirigeants de nos deux États, ainsi que des ministres dans un avenir proche.
Ce n’est qu’une partie de ce qui doit être fait pour amener les relations ukraino-sénégalaises à un niveau qualitativement nouveau.
C’est dire qu’il y a beaucoup d’espace pour le travail. Et c’est pourquoi je suis ici.
Quelle touche comptez-vous apporter pour redynamiser l’axe Dakar-Kyiv ?
Tout d’abord, je souhaite que le dialogue entre l’Ukraine et le Sénégal ne soit pas fragmentaire, mais régulier, plus dynamique et véritablement partenarial.
Pour ce faire, je prévois de rencontrer prochainement certains ministres du Gouvernement sénégalais, faire leur connaissance, connaître les besoins de votre pays dans certains domaines et, bien sûr, leur proposer des choses précises qui, je l’espère, les intéresseront.
La deuxième chose que je vais faire est d’ouvrir davantage l’Ukraine au Sénégal et vice versa dans les dimensions humanitaire, culturelle et touristique. J’essaierai également d’établir des contacts d’affaires et de partenariat entre certaines régions d’Ukraine et du Sénégal, y compris entre nos merveilleuses capitales K yiv et Dakar.
À cette fin, je prévois également de visiter quelques régions du Sénégal pour établir des contacts et discuter de la mise en œuvre d’éventuels projets et programmes.
Dans le cadre de l’éducation et de la formation, qu’est-ce que l’Ukraine peut offrir au Sénégal ?
L’éducation est l’une de nos cartes de visite. Présentement, il y a une trentaine de Sénégalais qui font leurs études en Ukraine.
On est disposé à donner des bourses aux étudiants sénégalais mais juridiquement, nous n’avons pas encore le droit.
Il faut, pour cela, signer impérativement notre accord intergouvernemental sur l’éducation.
Cette année, on a, au moins, cinq universités ukrainiennes qui figurent dans le classement de Shanghai.
C’est dire que la qualité de la formation en Ukraine est reconnue à travers le monde entier.
Vous avez été pendant quatre ans Directeur général adjoint du Moyen-Orient et de l’Afrique au sein du Ministère ukrainien des Affaires étrangères. Qu’avez-vous appris de l’Afrique avant votre nomination ?
Je suis devenu un africaniste encore plus actif et ardent parce que j’ai compris et aimé davantage l’Afrique.
J’ai cru et je continue de croire que l’Afrique est un continent du futur qui déterminera non seulement la politique régionale mais aussi influencera considérablement la politique mondiale.
Forte de cette conviction, l’Ukraine accorde une attention particulière à l’établissement d’un dialogue politique avec les pays africains.
Le soutien politique des pays africains restera crucial pour nous dans la mise en œuvre des initiatives internationales clés de l’Ukraine.
Je voudrais également souligner que l’Ukraine participe constamment aux opérations de maintien de la paix de l’Onu en Afrique.
Nous continuerons à mener à bien cette importante mission de règlement des crises et des conflits sur le continent africain.
Aujourd’hui 310 « casques bleus » d’Ukraine (dont 33 représentants du ministère de l’Intérieur) représentent notre pays dans quatre opérations de maintien de la paix de l’Onu en Afrique dont la Rdc, le Mali et le Soudan.
Quelle est la place de l’Afrique dans la diplomatie ukrainienne ?
Une place très important et prioritaire. Surtout ces dernières années, lorsque la voix et le poids à la fois politique et économique du continent africain sont de plus en plus visibles et puissants.
Sans être sensationnaliste, l’Ukraine considère le développement des relations avec les pays africains comme l’une de ses priorités.
Nous portons une diplomatie économique très active visant à promouvoir les exportations ukrainiennes et à trouver de nouveaux marchés et formes de coopération avec les pays du continent, sur lesquels se concentrent d’importantes ressources naturelles, financières et humaines.
À cette fin, nous prévoyons, à partir de l’année prochaine, d’étendre notre présence diplomatique en Afrique en ouvrant des ambassades ukrainiennes dans certains pays africains, en mettant l’accent principalement sur les domaines économiques et d’investissement.
En outre, le Ministère des Affaires étrangères d’Ukraine et l’Institut national d’études stratégiques élaborent actuellement une Stratégie nationale pour étendre la présence économique de l’Ukraine sur les marchés africains. Cette stratégie est conçue pour une période de 20 ans.
L’une des preuves de l’importance du continent africain pour l’Ukraine est le fait qu’aujourd’hui nous travaillons très activement à l’organisation d’une série de visites du Ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba dans certains pays africains, ainsi que la tournée du Président d’Ukraine, Volodymyr Zelensky, en Afrique. Et bien sûr, l’un de ces pays sera le Sénégal.
L’accident nucléaire de Tchernobyl s’est produit chez vous en 1986, il y a de cela quelques années. Qu’est-ce que vous inspire le débat croissant sur les énergies propres ?
Cela a été une catastrophe. Avec l’assistance de nos partenaires européens, on a construit un sarcophage sur le site. À mon avis, le nucléaire doit appartenir au passé.
C’est un rappel pour dire à tout le monde que le nucléaire est une chose très dangereuse pour l’humanité.
Cette tragédie nous pousse à penser aux sources d’énergie vertes et renouvelables.
Votre pays fait souvent l’objet d’opposition entre l’Otan et l’Union européenne à l’Ouest et la Russie à l’Est. Qu’est-ce que cette géopolitique difficile vous inspire ?
Ayant accédé à l’indépendance en 1991, mon pays a clairement et sans équivoque choisi la voie de l’adhésion à l’Union européenne et à l’Otan. Le cap euro-atlantique de l’Ukraine est clairement inscrit dans la Stratégie de politique étrangère de mon pays et fixé dans notre Constitution.
La question de notre vecteur politique n’est plus discutée. L’Ukraine a été sous le joug communiste d’une entité, à l’époque, appelée Union soviétique. Il nous a fallu 70 ans pour s’en sortir.
À l’époque impériale du XIXe siècle, la langue ukrainienne a été un tabou. En 1918, la Russie a pu priver l’Ukraine de son indépendance.
Pendant les années 30, l’Holodomor (la grande famine organisée par Moscou), pendant laquelle plus de 7 millions d’Ukrainiens ont été tués, est désormais considéré comme un génocide. Moscou continue de considérer l’Ukraine comme son territoire.
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Aujourd’hui, pour votre information, plus de 115 000 soldats et de nombreuses armes sont concentrés près des frontières de l’Ukraine, en Crimée et dans le Donbass. On peut affirmer que Moscou se prépare à une invasion massive de l’Ukraine en janvier.
Probablement, elle pense que de cette manière elle pourra forcer l’Ukraine à abandonner son intégration euro-atlantique. Mais il est évident que cela n’arrivera jamais. L’Ukraine et les Ukrainiens ne sont plus ceux qu’ils étaient en 2014, quand Moscou a occupé une partie de territoire de mon pays (Crimée et Donbass).
L’Ukraine ne permettra plus jamais à la Russie de dicter ses conditions. Je suis convaincu qu’avec notre armée et l’aide de nos partenaires de l’Otan, nous serons fort capables de défendre de manière fiable notre souveraineté et notre intégrité territoriale.
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