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Cent jours en Namibie, un voyage géologique

Claire König a sillonné la Namibie pendant presque cent jours à la découverte des événements géologiques, des paysages et de la faune fascinante de ce pays d'Afrique. Du Damaraland à la côte atlantique, préparez-vous à un surprenant voyage en Namibie, véritable odyssée dans le désert.


La Namibie est une destination de choix en Afrique australe et un pays extraordinaire pour la géologie. À travers le désert du Kalahari mais aussi le désert du Namib, qui n’est autre que le plus vieux désert du monde, suivez Claire König dans son incroyable voyage en Namibie.
 
Avec plus de 825.000 km2 pour un peu plus de deux millions d’habitants, la Namibie est une ancienne colonie allemande. Des événements très anciens se sont déroulés dans ce pays d'Afrique qui recèle des paysages faciles à déchiffrer — car il n'y a pas trop de végétation. 

On y trouve aussi une flore (notamment les lithops, d'étonnantes plantes-cailloux des déserts africains) et des animaux très intéressants. Ce fut un voyage de presque cent jours que je me propose de vous faire partager ici, essentiellement sur le plan géologique. 

Au cours de son voyage de cent jours en Namibie, Claire König a croisé de nombreuses dunes comme celle-ci au sein de la région de Sossusvlei, dans le parc national de Namib-Naukluft.
Au cours de son voyage en Namibie, qui dura près de cent jours, Claire König a croisé de nombreuses dunes comme celle-ci, située au sein de la région de Sossusvlei, dans le parc national de Namib-Naukluft. © Luca Galuzzi, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.5

Au programme de ce tour de la Namibie, la découverte d'endroits incontournables comme les déserts. Pour commencer, direction les richesses géologiques du Damaraland, dans le nord de la Namibie — avec en outre les restes d’un ancien océan. Nous évoquerons aussi les grands événements géologiques de la région, comme la fracture du Gondwana

Nous approcherons ensuite la géologie et la faune du parc national d’Etosha, véritable symbole du développement du tourisme en Namibie. À partir d’Etosha, nous franchirons différents cols et canyons, avec une escale à Bukkaros, qui propose un incroyable paysage volcanique qui n’en est pas vraiment un… Pour finir, nous longerons la côte namibienne, de Cape Cross à Lüderitz. Bon voyage !

En Namibie, le Damara Rock Complex est constitué de granites intrusifs et d'anciens volcans, l'Erongo, le Brandberg et le Spitzkoppe en particulier, ce qui nous permettra aussi de nous intéresser à l'érosion des granites.
 
La formation du Damara Rock Complex est constituée de granites intrusifs qui sont passés à travers les montagnes du Damara et les dépôts du Karoo le long de vieilles fissures datant de 480 millions d’années, époque de la formation de la chaîne. 

Les roches granitiques du Spitzkoppe sont impressionnantes. De nombreux mécanismes d’érosion sont à l’œuvre en ce lieu.
Les roches granitiques du Spitzkoppe sont impressionnantes. De nombreux mécanismes d’érosion sont à l’œuvre en ce lieu. © Martha de Jong-Lantink, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

Ces fissures ont été réactivées lors de la séparation des continents (étirement) et ont permis l’apparition d’immenses volcans, de subvolcans et de plutons dans cette région de Namibie.

L’Erongo, « squelette volcan » à 2.350 mètres d'altitude

N’étant pas constitué que de lave comme le Messum ou que de granite comme le Brandberg, mais des deux à la fois, l’Erongo est l’exception. Il constitue ainsi l’un des seuls exemples de « squelette de volcan » permettant une vue directe de la chambre magmatique

Vieux de 130 millions d’années, avec une altitude actuelle de 2.350 m (environ 1.000 m au-dessus de la pénéplaine environnante), il a un diamètre de 35 km : c’est immense ! 

Le socle environnant est constitué de granites du Damara vieux de 500 millions d’années et de roches métamorphiques d’anciens sédiments du même âge avec des quartzites, des marbres, des schistes et des gneiss. Ce socle, veiné de pegmatite, contient des pierres précieuses (tourmaline, béryl, topaze) et des métaux (lithium, étain, béryllium). Mais la mine de Krantzberg, située au nord du volcan, serait plutôt liée au volcan lui-même (elle contient du tungstène). 

Le Damaraland est souvent appelé la Monument Valley de Namibie.
Le Damaraland est souvent appelé la Monument Valley de Namibie. © Orkomedix, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

Durant 20 millions d’années, le volcan émit différents matériaux dont il ne reste presque plus rien, mais on peut voir quelques-unes de ses phases d’activité sur le mur extérieur du cratère du côté ouest. Les falaises sont en basalte, elles ont environ 100 m d’épaisseur, et se trouvent dessous, puis le volcan a changé d’activité et les couches supérieures sont formées d’ignimbrites qui traduisent des phases éruptives violentes et chaudes (1.000 °C) au cours desquelles le matériel émis refond partiellement les laves sous-jacentes, et constitue ainsi un amalgame très résistant à l’érosion de 400 m d’épaisseur qui forme ce côté ouest du volcan. 

Pendant ces phases éruptives, le matériel émis d'un seul coup a causé une énorme perte de masse et le volcan s’est effondré en caldeira. Tout autour, de nombreuses fissures sont apparues et se sont remplies de granite plutonique, et forment le complexe en anneau que l’on ne voit bien que depuis le dessus. Les tufs et les rhyolithes du centre traduisent les dernières phases explosives de son activité.
L’érosion a tout emporté (par le sud où le cratère est ouvert) et au centre du volcan, on peut, avec de l’endurance et du courage (une journée environ en tout-terrain, accès très difficile), accéder à la racine de granodiorite qui constitue le cœur de l’édifice. 

La région a été violemment distendue au moment du gonflement contemporain de la formation du volcan. Ceci donne une idée de l’ampleur des phénomènes qui ont accompagné la naissance de l’Atlantique : il faut s’imaginer un gigantesque édifice dont la chambre magmatique est actuellement à 1.000 m d’altitude. Ce qu’il reste des parois de la caldeira après plus de 100 millions d’années d’érosion, encore à plus de 2.000 m d’altitude, même en tenant compte du rééquilibrage isostatique, représente une immense formation !

Le Brandberg, point culminant de la Namibie

Point culminant de la Namibie avec le Königstein (son altitude est de 2.573 m), le Brandberg a un diamètre de 20 km et couvre une surface de 450 km2. Il domine le paysage environnant (qui, lui, est entre 600 et 800 m d’altitude) de 2.000 m. C’est aussi un édifice impressionnant, mais dont l’accès est aisé. Les points d’eau alentour en ont aussi fait un lieu de rencontre des Bushmen qui ont peint, au centre du massif, la fameuse Dame blanche, que l'on peut voir après deux bonnes heures de marche dans le massif, et qui est protégée par une grille en fer peu esthétique mais efficace, certains touristes ayant jugé bon d'ajouter leurs propres graffitis aux peintures rupestres

Un paysage du Brandberg, dans l’ouest de la Namibie.
Un paysage du Brandberg, dans l’ouest de la Namibie. © Martha de Jong-Lantink, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

Le massif est formé de différents types de granites infiltrés en anneaux à des intervalles assez rapprochés lors des mêmes époques. Ces différentes phases de formation sont :
  • le gonflement de la croûte terrestre par les chambres magmatiques, qui se mettent en activité et permettent l’intrusion de masses granitiques ;
  • la phase éruptive avec dépression des chambres magmatiques et formation de la caldeira ;
  • une phase plutonique au cours de laquelle différents granites de diverses compositions se sont mis en place en couches concentriques de plus en plus jeunes.
Peintures rupestres du Brandberg.
Peintures rupestres du Brandberg. © Christian König, DR

Ceci a duré environ 15 à 20 millions d’années, puis 100 millions d’années d’érosion ont enlevé plus de 1.000 m de roches et n’ont laissé que la racine du volcan sur le socle des granites du Damara vieux de 540 millions d’années. Le Brandberg actuel ne représente donc que le noyau de granite de la chambre magmatique d’un volcan plusieurs fois plus grand, dont il ne reste que de toutes petites parties au sud et à l’ouest du massif. Là aussi, on trouve tout autour des pegmatites, 120 filons de 1 km de long et plus de 50 m de large, des granites du Damara, riches en minerais divers (étain d’Uis, mine exploitée de 1924 à 1990 à hauteur de 35.000 tonnes, il en reste 72.000 non rentables pour le moment).

Le Spitzkoppe, amoncellement rocheux de pics granitiques, ou bornhardts

Même époque, mais nous avons ici à faire à un pluton d’une altitude actuelle de 1.700 m qui était, à l’origine, recouvert d’au moins 1.000 m de ces vieilles montagnes du Damara. Cela fait tout de même 2.700 m d’érosion, et il ne reste ici que quelques bouts de granite qui dépassent, très beaux, à cause de l’érosion éolienne qui les a sculptés. On a là des inselbergs, et non des volcans. 

Un lever de soleil sur le Spitzkoppe. Les plaines qui l’entourent abritent des mambas noirs et des cobras, parmi les serpents les plus dangereux du monde.
Un lever de soleil sur le Spitzkoppe. Les plaines qui l’entourent abritent des mambas noirs et des cobras, parmi les serpents les plus dangereux du monde. © Ikiwaner, Wikimedia Commons, GNU 1.2

Érosion des granites

Roche considérée comme solide en milieu frais et humide, le granite est très sensible aux différences de température et, en zone aride, devient très facile à éroder selon certains processus, que nous détaillons ci-dessous. 

La corrasion est très présente dans le massif de Spitzkoppe. C’est un vent abrasif de sable qui retire des particules minérales selon un gradient vertical décroissant de bas en haut, le vent étant plus riche en particules au niveau du sol, et pas forcément très ralenti au ras du sol dans ces régions où tout est plat. On obtient donc des formes en champignon.
Des boules de granite dans la région d’Ameib.
Des boules de granite dans la région d’Ameib. © Christian König, DR

Les boules de granite commencent forcément à l’abri dans un sol qui voit ruisseler de l’eau, même peu, et peu fréquemment. Eau qui passe dans les fissures et les élargit, soit par dissolution partielle, soit par gel, juste sous la surface. Le granite se trouve donc débité en blocs empilés plus ou moins cubiques. Quand le sol est érodé, ces blocs sont à l’air et soumis aux différences de température très importantes entre le jour et la nuit (60 °C en été pour un bloc au soleil la journée), et qui provoquent des contractions brutales qui fragilisent le bloc au niveau des plans de cristallisation. Il se débite ainsi en granite gris. Les grains sont enlevés par l’eau et le vent. Naturellement, le phénomène est plus important dans les angles, et les blocs ont ainsi tendance à devenir des boules. 

L’exfoliation constitue exactement le même phénomène, mais peut se produire sur de très grandes surfaces, en particulier celles, convexes, de ces granites intrusifs, qui sont déjà montés sous forme arrondie à cause de la poussée magmatique et ont ainsi une structure en oignon qui favorise le phénomène. 

Le core cracking est une rupture brutale du bloc en deux parties qui se produit lors de différences de température très importantes et d’une contraction brutale, coup de tonnerre claquant selon les zones de faiblesse du bloc.
Illustration du core cracking dans la région d’Ameib.
Illustration du core cracking dans la région d’Ameib. © Christian König, DR
La solution est un phénomène qui a lieu par le biais de l’eau qui ruisselle tombe tout autour et dissout, un peu, la roche. Ce matériel est emporté soit par l’eau soit par le vent quand il est sec, et il se forme ainsi de petites rigoles, qui vont augmenter tant en profondeur qu’en largeur au fil du temps. Après un temps assez long, la boule se retrouve sur un socle de plus en plus petit, et finit par tomber. La dissolution à cet endroit continue, et on obtient de petites flaques. Le même phénomène provoque l’apparition de petits ruisseaux à la surface des gros batholites.
La solution du granite peut générer des flaques comme celles-ci sur le massif.
La solution du granite peut générer des flaques comme celles-ci sur le massif. © Christian König, DR

Dans les faces à l’ombre, la dissolution, le ruissellement ainsi que la désintégration des grains, avec une érosion vent-sable, peuvent aboutir à la formation d’une « vague » qui servira d’abri aux Bushmen, et dans lequel on trouvera souvent, en Namibie, des peintures rupestres. Ces abris sont aussi appelés tafonis, mot d’origine italienne signifiant fenêtre, parce que ce sont des endroits où s’abritaient les bergers lors des orages.

La Damara Belt est la région qui sépare le craton du Congo, au nord, du craton du Kalahari, au sud. C'est le reste d'un ancien océan qui a subi une orogenèse, puis des intrusions granitiques et enfin qui a été érodé.

La formation de l’océan

Dans l’actuelle Namibie, trois régions se sont développées dans l’océan du Damara qui isolait complètement le craton du Congo de celui du Kalahari. Cet océan était large de quelques centaines à 2.000 ou 3.000 km selon certains auteurs.
Carte géologique de la Namibie. Sont également indiqués les emplacements de diverses ressources minières, comme les métaux et les pierres précieuses.
Carte géologique de la Namibie. Sont également indiqués les emplacements de diverses ressources minières, comme les métaux et les pierres précieuses. © Geological Survey of Namibia
Le graben NZ (zone nord) a 850 millions d’années, avec du volcanisme alcalin et une période de fracture. Le graben central CZ (zone centrale), d’environ 700 millions d’années, correspond à l’effondrement de la marge nord et à de nombreux dépôts fluviatiles datés de 1.8 à 2.1 milliards d’années, soit l’âge des anciennes chaînes de montagnes Valian et Mokolian. Le graben sud SZ (zone sud) s’est développé en océan et a 650 millions d’années environ. Quant à SMZ, la southern margin zone, elle correspond à l’effondrement de la marge sud, avec des évaporites. 

Donc entre 840 et 730 millions d’années, la phase d’effondrement est suivie de la phase d’élargissement de 730 à 650 millions d’années avec les dépôts de l’Otavi group (zone en bleu fluo sur la carte géologique ci-dessus) en NZ et des dépôts de turbidites venant de l’est, dans la partie ouest de l’océan (région de Swakopmund actuelle). La période de profondeur maximum se situe autour de 700 millions d’années dans la zone sud SZ. 

Le Matchless Member (qui passe par Windhoek, la capitale namibienne) correspond à la ride médio-océanique, et on y trouve sur près de 3 km de large et 350 km de long des amphibolites, des tufs, des pillow-lavas et des métagabbros de composition médio-océanique.

La compression et l’orogenèse

La compression se fait dans la direction nord-ouest avec un gradient d’intensité augmentant vers l’ouest, et rapproche donc les deux cratons. Le tout finira par être soudé pour donner le contexte actuel. 

Les premières déformations faibles touchent la partie est. C’est lors de la seconde phase de déformation que seront mis en place les minerais de Tsumeb (en bleu fluo ci-dessus) et de Kombat, dérivés de sources crustales autour de 600 millions d’années. 

Ces déformations s’effectuent par le passage de la zone sud sous la zone centrale et l’enfoncement du craton du Congo lui-même sous une plaque à l’ouest (le continent sud-américain). 

La CZ, zone centrale, peut être considérée comme la marge active et les déformations de 600 millions d’années comme le pic de métamorphisme dans la zone nord NZ. Il y eut ensuite fusion partielle ou complète de la partie sud de la CZ suivie de l’intrusion des premiers granites (en rouge magenta sur la carte) entre 590 et 550 millions d’années. Pendant ces premières phases, les SZ et SMZ ne sont pas encore déformées. Mais il y a une surélévation importante de la zone centrale par rapport à la zone sud.

Collision et conditions de métamorphisme

Après la mise en place de ces premiers granites, la situation change radicalement, les zones de déformation sont maintenant situées dans les SZ et SMZ : il y a eu collision. 

Les conditions de métamorphisme sont maintenant de 600 °C et 10 kbar dans SMZ, avec un épaississement considérable, et après différentes phases, la déformation s’arrête vers 530 millions d’années, sauf une nouvelle montée de granites vers 523 millions d’années.
Une vue sur le canyon de la Fish River, dans la région de Karas, dans le sud de la Namibie.
Une vue sur le canyon de la Fish River, dans la région de Karas, dans le sud de la Namibie. © Thomas Schoch, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

Les nappes de charriage

Ce sont les évaporites de SMZ chauffées et plus ou moins fondues qui ont servi de lubrifiant à la mise en place des nappes du Naukluft (un déplacement de 35 km), qui a pris environ 60 millions d’années entre 540 et 480 millions d’années. Vers 460 millions d’années se mettent en place encore quelques granites et l’alaskite de la mine de Rössing.
Les monts Naukluft, au centre de la Namibie, sont notamment connus pour leurs zèbres de montagne et leurs léopards.
Les monts Naukluft, au centre de la Namibie, sont notamment connus pour leurs zèbres de montagne et leurs léopards. © Joachim Huber, CC by-nc-nd 2.0

Érosion et dépôts au Naukluft

Tout ceci est évidemment accompagné d’une forte érosion et de dépôts relatifs entre 540 et 460 millions d’années, puis d’une phase d’érosion plus calme en même temps que le refroidissement général de 455 à 400 millions d’années. Différents éléments semblent indiquer que la totalité de la chaîne a été érodée en 250 millions d’années, mais le lieu des dépôts de cette érosion n’est pas connu dans l’état actuel des recherches.

Linéament d’Okahandja

Une ligne remarquable aussi dans la phase d’orogenèse est le linéament d’Okahandja au nord de Matchless (Okahandja est une ville au nord de Windhoek). Elle marque une zone de faiblesse profonde de la croûte importante dans la tectonique de l’orogène et l’endroit de faille et de volcanisme acide. De plus, elle coïncide avec les bassins d’avant-arc, elle marque la marge sud du craton du Congo ainsi que la zone d’élévation de CZ (10 km) par rapport à SZ. Enfin, elle est caractérisée par une très forte schistosité verticale.

La Kaoko Belt

Mêmes types de phénomènes dans la Kaoko Belt à l’ouest, avec une chronologie et un métamorphisme un peu différents. Conclusion : nous voici donc vers 400 millions d’années !
Le reste de l'histoire géologique de la Namibie vous est donné par le grand tableau suivant, avec une période glaciaire, un désert, la fracture du Gondwana, le grand escarpement, la formation du Namib et les phénomènes de karst.
Les événements géologiques importants en Namibie résumés en un tableau.
Les événements géologiques importants en Namibie résumés en un tableau. © DR


Nous nous promenons ici au sud-est d'Etosha, dans le massif d'Otavi, formé de stromatolithes et de dolomites. Nous y retrouvons l'histoire de l'océan du Damara, ainsi que le lac Otjikoto.

Massif d'Otavi

L'océan du Damara séparait, voilà très longtemps, le craton du Congo de celui du Kalahari. Cet océan a disparu lors du rapprochement de ces deux cratons, et la Damara belt est ce qui en reste et qui, maintenant, se trouve entre les deux cratons. C’est au sud du massif d'Otavi qu’affleure le Groofontein Metamorphic Complex, de deux milliards d’années, que l’on rattache au craton du Kalahari. 

Au bord de l’océan du Damara, d’énormes récifs calcaires se font formés, absorbant une importante quantité de gaz carbonique en concentration beaucoup plus grande qu’aujourd’hui dans l’atmosphère. Ces récifs n’ont rien à voir avec les récifs actuels, ils étaient constitués de stromatolithes.
Les stromatolithes existaient déjà voilà 3,5 milliards d’années pour certains.
Les stromatolithes existaient déjà voilà 3,5 milliards d’années pour certains. © Christian König, DR

Soulevés lors de l’orogenèse du Damara, puis érodés, ils ne forment aujourd’hui plus que quelques collines, longue bordure du sud-est au nord-ouest du bassin de l’Ovambo (craton du Congo). La continuité du groupe d’Otavi sur plus de 500 km de long atteste de conditions très uniformes, pendant de très longues périodes, dans des eaux peu profondes et calmes où se formaient les stromatolithes séparés par des couches de dolomite blanche, grise ou brune (sulfate de calcium et de magnésium). On trouve aussi des couches de calcaire à oolithes en certains endroits. 

Ces couches se sont formées sur 100 millions d’années au moins, et peuvent atteindre 5000 m d’épaisseur. Elles se sont soulevées il y a 650 millions d’années, et si elles sont encore des montagnes de nos jours, c’est à cause d’un dôme sous-jacent à qui l’on doit aussi l’affleurement de Grootfontein.

Les stromatolithes

Les stromatolithes ont donc entre 750 et 700 millions d’années, et on retrouve les mêmes marqueurs fossiles et minéraux d’un bout à l’autre de la formation.
Les stromatolithes sont l’œuvre de communautés bactériennes.
Les stromatolithes sont l’œuvre de communautés bactériennes. © Christian König, DR

Pour rappel, on peut dire que la diminution drastique de la pression partielle de gaz carbonique a commencé il y a 3,8 milliards d’années et que voici deux milliards d’années, 99,5 % du gaz carbonique était déjà piégé. La production d’oxygène a elle aussi été complètement piégée pendant le même temps pour oxyder les éléments présents dans les océans, et ce n’est qu’aux environs d’un milliard d’années que l’eau s’est saturée en oxygène et que celui-ci a commencé à sortir sous forme de gaz dans l’atmosphère. Je ne crois pas aujourd’hui qu’il y ait d’opposition à admettre de 0 à 1 % d’oxygène dans l’air autour d’un milliard d’années. 

À partir de cette saturation de l’eau en oxygène, les cellules ont dû trouver une protection efficace contre cet oxydant tout à fait mortel pour elles (même à une concentration maximale de 3 % dans l’eau froide), et les stromatolithes ont fabriqué du calcaire en très fines couches (translucides, voire transparentes) qui a permis aux cyanobactéries de rester à l'abri de ce gaz toxique ! 

Les stromatolithes fabriquent une microcouche de calcaire en dehors de la cellule : ceci les différencie des thrombolites qui, eux, fabriquent aussi le calcaire, mais le gardent à l’intérieur de la cellule et sont donc plus tardifs dans l’histoire. 

Les cyanobactéries sont donc capables de photosynthèse, mais aussi de certains déplacements pour pouvoir rester à la surface de leur construction, afin de profiter des rayons ultraviolets, énergie nécessaire pour produire leur ATP, ou adénosine triphosphate.

L’Otjikoto, un lac naturel

Naturellement, ces grandes formations calcaires et dolomitiques soulevées ont été soumises à une érosion karstique très intense pendant des millions d’années, et il y a dans le sous-sol de cette région un immense réseau souterrain de galeries et de cavernes qui constitue un gigantesque réservoir d’eau. Ces conduits ressortent à Etosha.
Le lac Otjikoto est situé près de la ville de Tsumeb. En plus de munitions de la première guerre mondiale, il abriterait un coffre-fort allemand rempli de six millions de marks-or. Les recherches restent infructueuses.
Le lac Otjikoto est situé près de la ville de Tsumeb. En plus de munitions de la première guerre mondiale, il abriterait un coffre-fort allemand rempli de six millions de marks-or. Les recherches restent infructueuses. © Steve Wilson, Flickr, CC by-nc 2.0

Il y a aussi quelques formations spectaculaires visibles dans cette région, comme d’immenses dolines qui se sont remplies d’eau quand leur profondeur a atteint le niveau de la nappe souterraine. Ces dolines constituent maintenant des lacs très particuliers, comme celui de Guinas (140 m par 70, et 119 m de profondeur) et d’Otjikoto. Ce dernier, d'un diamètre d’environ 100 m et d'une profondeur aux alentours de 55 m, est le plus petit des deux lacs permanents naturels de Namibie. C'est dans ce lac que les troupes allemandes ont jeté toutes leurs munitions et leurs armes lors de l'approche des Britanniques et des Sud-Africains en 1915. 

Ces lacs sont reliés au réseau souterrain, mais leur niveau baisse parce qu’il y a surpompage dans le circuit. Le lac souterrain de Harasib est également tout proche.

avec Futura-sciences 
Par Claire König, 
Enseignante Sciences Naturelles


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