Pourquoi certaines personnes oublient anniversaires et rendez-vous ?
Nous connaissons tous cet individu atteint du syndrome de la « mémoire
percée ». Il oublie les anniversaires, les spectacles de fin d'année,
confond les dates des vacances et zappe ses rendez-vous chez le médecin,
voire ceux avec ses amis. Ces « oublis » relèvent-il d'une forme
de nonchalance, d'une sorte d'indifférence aux autres ou d'une vraie
pathologie ? Faisons le point avec le professeur en psychologie Stéphane
Rusinek (1) et la psychologue clinicienne Alexandra Rivière-Lecart (2).
« Je suis nulle pour me rappeler les dates des anniversaires. J’oublie mes codes d’appartement, de carte bancaire. Je zappe aussi quand il s'agit de répondre aux textos, aux mails, alors que je pourrais le faire sur le moment. Au final, je repousse tout et je finis par oublier », raconte Jeanne, journaliste de 31 ans, et ce sans que cela l'affole. Car elle aime vivre ainsi, dans un présent limité à l'instant, sans se soucier du calendrier. Elle s'est extraite de toutes les obligations liées à l'agenda, comme celles de répondre à une invitation à un mariage, de confirmer un dîner entre copines ou de souhaiter un joyeux anniversaire à sa copine Tina...
Pauline aussi est ce que l'on pourrait grossièrement appeler une « mémoire percée ». Le point faible de l'étudiante de 23 ans ? Les dates d'anniversaires, qu'elle considère comme « secondaires ». Elle avoue n'être même pas certaine de pouvoir donner celles de ses parents. Maligne, sa mère a affiché un calendrier des anniversaires de tous les membres de la famille sur un mur des toilettes de la maison familiale.
Pour Pauline, le problème ne se pose pas. Ses études l'ont habituée à toujours tout apprendre par cœur, dans les moindres détails. Elle justifie ses oublis par « une certaine flemme, un manque de rigueur ». Quant à Jeanne, elle s'interroge : « Est-ce-que j'oublie parce que mon esprit est un peu brouillon ou parce qu'inconsciemment je souhaite me détacher des choses futiles ou, en tout cas, moins importantes ? » Pour Stéphane Rusinek, tout dépend de la personnalité de chacun : « Certains s'en fichent, zappent par négligence et comptent sur les autres pour leur rappeler les anniversaires. »
Mais pour l'entourage, cette nonchalance flirte parfois dangereusement avec l'irrespect, et les oublis chroniques peuvent entraîner des disputes. Sachant à quoi s'attendre, les habitués abdiquent. Comme les ami(e)s proches de Jeanne, qui la connaissent et savent qu'il faut la relancer pour obtenir une réponse à un texto. En revanche, d'autres se vexent, se sentent déconsidérés et accusent parfois l'« amnésique » d'être égoïste et de les snober. La principale intéressée s'en défend : « Je suis altruiste, mais pour des causes profondes. J'oublie peut-être les anniversaires de mes amis, mais je serai là en cas de vrais coups durs. »
L'argument devient moins recevable lorsque le distrait est notre conjoint(e). Rien de plus irritant que de ne pouvoir se reposer sur les épaules de l'autre ou de devoir prendre sans arrêt les devants. « As-tu pensé à prévenir untel ? Tu te souviens que l'on dîne chez machin ? » L'un devient le majordome de l'autre ; un rôle qui peut se révéler très agaçant. D'autant que si l'un s'en soucie, l'autre pas du tout. Les codes et les critères d'importance sont personnels et varient selon les personnes. Ainsi, certains habitués du zapping sélectionnent ce qu'ils mettent dans leur mémoire et oublient ce qui, selon eux, est « oubliable ». Une certaine « auto-autorisation à oublier », indique la psychologue clinicienne Alexandra Rivière-Lecart.
Sans surprise, le mode de vie, parfois effréné, peut aussi chambouler. Pauline vit à Paris depuis cinq ans et prend conscience du changement : « Je papillonne toujours entre 1000 choses, je ne termine pas les livres que je commence et si je n'écris pas ce que je dois faire, j'oublie d'autant plus facilement. » Avant de s'installer à Paris il y a onze ans, Jeanne vivait à Bordeaux. Outre ses journées chargées, elle confie aussi avoir « perdu en organisation » depuis la naissance de sa fille, il y a un an et demi, et se sentir souvent « dépassée par les évènements ». Elle a aussi l'impression d'être encore plus encline à tout oublier, comme si cela lui permettait de soulager son stress.
La psychologue reconnaît qu'une mauvaise organisation ou des rythmes de vie soutenus peuvent obliger « à faire passer certaines choses au second plan, à oublier et à ne s'en souvenir que le lendemain. » Pour le professeur Rusinek : « Les habitants des grandes villes, qui ont parfois un rythme plus soutenu, auront plus tendance à commettre des oublis. » D'autres remplissent leur journée pour éviter le vide, qui, chez certains, peut faire écho à la mort. « Mais quand nous sommes débordé(e)s, nous oublions et passons à côté de l'essentiel », ajoute la psychologue.
Des facteurs plus inconscients peuvent justifier les oublis chroniques : « Ce sont des actes manqués, précise Alexandra Rivière-Lecart. Inconsciemment - par peur, angoisse ou pour d'autres raisons -, nous n'avons pas envie de le faire et nous oublions », explique la psychologue.
D'autres, en revanche, repoussent par pure procrastination et finissent par oublier. Ils lisent un message, prévoient d'y répondre plus tard et oublient. « Lorsqu'on donne un objectif et une deadline à un « procrastinateur », il y a de fortes chances pour qu'il oublie. C'est une façon de défier l'autorité », indique Alexandra Rivière-Lecart. En somme, un moyen de refuser de se soumettre aux injonctions de la société. En oubliant, certains prennent finalement la liberté de ne s'obliger à rien.
Reste les petites astuces pour éviter d'oublier notre amie Camille sur le quai de la gare. Prenez votre temps, notez vos rendez-vous dans un agenda ou sur un Post-it que vous collerez sur la porte du réfrigérateur. Ou dégainez votre smartphone, qui non seulement permet de prendre des photos panoramiques, mais peut aussi servir de pense-bête.
(1) Stéphane Rusinek est président de l'Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC).
(2) Alexandra Rivière-Lecart est membre de l'AFTCC.
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"Au secours, mon ex s'est recasé tout de suite après notre rupture !"
« Je suis nulle pour me rappeler les dates des anniversaires. J’oublie mes codes d’appartement, de carte bancaire. Je zappe aussi quand il s'agit de répondre aux textos, aux mails, alors que je pourrais le faire sur le moment. Au final, je repousse tout et je finis par oublier », raconte Jeanne, journaliste de 31 ans, et ce sans que cela l'affole. Car elle aime vivre ainsi, dans un présent limité à l'instant, sans se soucier du calendrier. Elle s'est extraite de toutes les obligations liées à l'agenda, comme celles de répondre à une invitation à un mariage, de confirmer un dîner entre copines ou de souhaiter un joyeux anniversaire à sa copine Tina...
Pauline aussi est ce que l'on pourrait grossièrement appeler une « mémoire percée ». Le point faible de l'étudiante de 23 ans ? Les dates d'anniversaires, qu'elle considère comme « secondaires ». Elle avoue n'être même pas certaine de pouvoir donner celles de ses parents. Maligne, sa mère a affiché un calendrier des anniversaires de tous les membres de la famille sur un mur des toilettes de la maison familiale.
"Nous ne sommes pas tous égaux face à la mémoire"
Si le distrait se voit souvent taxé d'égoïsme ou d'insensibilité par ses proches, en réalité, cette propension à l'oubli aurait une explication biologique. Selon le professeur en psychologie et le psychologue thérapeute Stéphane Rusinek (1), ces zappings chroniques ne sont pas toujours volontaires. Avant de plonger dans les méandres de la psychologie, l'expert rappelle simplement que nous ne sommes pas tous égaux face à la mémoire : « Par exemple, certain(e)s sont incapables de reconnaître un visage déjà croisé dans la rue ou, simplement, d'inscrire de nouvelles informations dans leur mémoire. » Sans parler d'une défaillance grave et sérieuse, la mémoire peut simplement faire défaut. Persuadé(e)s que nous pouvons retenir plusieurs informations, nous aurions même tendance à trop faire confiance à notre mémoire.Pour Pauline, le problème ne se pose pas. Ses études l'ont habituée à toujours tout apprendre par cœur, dans les moindres détails. Elle justifie ses oublis par « une certaine flemme, un manque de rigueur ». Quant à Jeanne, elle s'interroge : « Est-ce-que j'oublie parce que mon esprit est un peu brouillon ou parce qu'inconsciemment je souhaite me détacher des choses futiles ou, en tout cas, moins importantes ? » Pour Stéphane Rusinek, tout dépend de la personnalité de chacun : « Certains s'en fichent, zappent par négligence et comptent sur les autres pour leur rappeler les anniversaires. »
Mais pour l'entourage, cette nonchalance flirte parfois dangereusement avec l'irrespect, et les oublis chroniques peuvent entraîner des disputes. Sachant à quoi s'attendre, les habitués abdiquent. Comme les ami(e)s proches de Jeanne, qui la connaissent et savent qu'il faut la relancer pour obtenir une réponse à un texto. En revanche, d'autres se vexent, se sentent déconsidérés et accusent parfois l'« amnésique » d'être égoïste et de les snober. La principale intéressée s'en défend : « Je suis altruiste, mais pour des causes profondes. J'oublie peut-être les anniversaires de mes amis, mais je serai là en cas de vrais coups durs. »
L'argument devient moins recevable lorsque le distrait est notre conjoint(e). Rien de plus irritant que de ne pouvoir se reposer sur les épaules de l'autre ou de devoir prendre sans arrêt les devants. « As-tu pensé à prévenir untel ? Tu te souviens que l'on dîne chez machin ? » L'un devient le majordome de l'autre ; un rôle qui peut se révéler très agaçant. D'autant que si l'un s'en soucie, l'autre pas du tout. Les codes et les critères d'importance sont personnels et varient selon les personnes. Ainsi, certains habitués du zapping sélectionnent ce qu'ils mettent dans leur mémoire et oublient ce qui, selon eux, est « oubliable ». Une certaine « auto-autorisation à oublier », indique la psychologue clinicienne Alexandra Rivière-Lecart.
Angoisse et procrastination
Selon Stéphane Rusinek, le « défaut de planification » qui perturbe la mémoire de certain(e)s trahit aussi une forte anxiété : « L'angoisse pousse à se focaliser sur d'autres éléments, qui ont, pour l'angoissé, plus d'importance qu'une date ou un texto. » Une angoisse qui les prend au ventre et les empêche de se confronter aux obligations futures, car « une angoisse proche est plus facile à gérer pour l'anxieux », précise le professeur.Sans surprise, le mode de vie, parfois effréné, peut aussi chambouler. Pauline vit à Paris depuis cinq ans et prend conscience du changement : « Je papillonne toujours entre 1000 choses, je ne termine pas les livres que je commence et si je n'écris pas ce que je dois faire, j'oublie d'autant plus facilement. » Avant de s'installer à Paris il y a onze ans, Jeanne vivait à Bordeaux. Outre ses journées chargées, elle confie aussi avoir « perdu en organisation » depuis la naissance de sa fille, il y a un an et demi, et se sentir souvent « dépassée par les évènements ». Elle a aussi l'impression d'être encore plus encline à tout oublier, comme si cela lui permettait de soulager son stress.
La psychologue reconnaît qu'une mauvaise organisation ou des rythmes de vie soutenus peuvent obliger « à faire passer certaines choses au second plan, à oublier et à ne s'en souvenir que le lendemain. » Pour le professeur Rusinek : « Les habitants des grandes villes, qui ont parfois un rythme plus soutenu, auront plus tendance à commettre des oublis. » D'autres remplissent leur journée pour éviter le vide, qui, chez certains, peut faire écho à la mort. « Mais quand nous sommes débordé(e)s, nous oublions et passons à côté de l'essentiel », ajoute la psychologue.
Des facteurs plus inconscients peuvent justifier les oublis chroniques : « Ce sont des actes manqués, précise Alexandra Rivière-Lecart. Inconsciemment - par peur, angoisse ou pour d'autres raisons -, nous n'avons pas envie de le faire et nous oublions », explique la psychologue.
D'autres, en revanche, repoussent par pure procrastination et finissent par oublier. Ils lisent un message, prévoient d'y répondre plus tard et oublient. « Lorsqu'on donne un objectif et une deadline à un « procrastinateur », il y a de fortes chances pour qu'il oublie. C'est une façon de défier l'autorité », indique Alexandra Rivière-Lecart. En somme, un moyen de refuser de se soumettre aux injonctions de la société. En oubliant, certains prennent finalement la liberté de ne s'obliger à rien.
Reste les petites astuces pour éviter d'oublier notre amie Camille sur le quai de la gare. Prenez votre temps, notez vos rendez-vous dans un agenda ou sur un Post-it que vous collerez sur la porte du réfrigérateur. Ou dégainez votre smartphone, qui non seulement permet de prendre des photos panoramiques, mais peut aussi servir de pense-bête.
(1) Stéphane Rusinek est président de l'Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC).
(2) Alexandra Rivière-Lecart est membre de l'AFTCC.
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