La ministre de l'Écologie Ségolène Royal a affirmé mardi qu'il fallait
«arrêter de manger du Nutella» en raison de l'huile de palme qu'il
contient, source de destructions écologiques. Le point sur ce qu'est
l'huile de palme et les craintes qui l'entourent.
L'huile de palme, c'est quoi?
L'huile
de palme est une huile végétale issue du palmier à huile. Les fruits de
cet arbre, de couleur jaune et orangée et de la taille d'une grosse
noix, sont récoltés par grappes avant d'être séparés puis ouvert. Ils
abritent un noyau blanc.
Chacun de ces fruits contient environ 30 à 35% d'huile, selon les données de l'European Palm Oil Alliance
(Epoa), qui rassemble des organes nationaux d'analyse sur la production
d'huile ainsi que de gros producteurs tels que Cargill ou Unigra. Elle
est extraite par pression à chaud. Une différence existe entre l'huile
de palme et l'huile de palmiste. La première est issue du fruit, la
seconde du noyau.
Le palmier à huile, arbre tropical, pousse dans
les régions proches de l'équateur. Les palmeraies d'où est issue
l'huile de palme consommée se trouvent principalement en Indonésie et en Malaisie, producteurs de 80% des stocks, mais on en trouve également en Amérique latine et en Afrique de l'Ouest.
Pourquoi est-elle si prisée de l'industrie agroalimentaire?
En 2012, la consommation d'huile de palme s'élevait à 52 millions de tonnes,
soit 28% de la consommation mondiale d'huiles et de graisses. L'huile
de palme est ainsi l'huile la plus prisée, devant l'huile de soja. Son
principal atout réside dans sa rentabilité: un palmier à huile produit environ 40 kg d'huile par an, pour une durée de vie de trente ans. La production demande ainsi moins de surface
que d'autres huiles, telle que celle issue du soja. Du fait de son
rendement, son prix est également inférieur à celui d'autres huiles
végétales.
Autre avantage: l'huile de palme résiste bien à la
cuisson et est solide à température ambiante. C'est cette
caractéristique qui offrirait au Nutella, dont la recette contient de
l'huile de palme depuis une quarantaine d'années, son onctuosité.
Quels problèmes écologiques pose-t-elle?
Face
à une hausse très importante de la consommation depuis une vingtaine
d'années, les pays producteurs ont augmenté les espaces dédiés à la
culture du palmier à huile. De 15,2 millions de tonnes en 1995, la
production d'huile de palme est passée à 56 millions de tonnes en 2013. D'ici 2020, elle pourrait largement dépasser les 60 millions à raison d'une hausse annuelle de 2,5%. D'après WWF,
12 millions d'hectares de terre sont désormais couverts de palmiers à
huile, soit un tiers de l'Allemagne. Pour assurer ce niveau de culture,
des millions d'hectares de forêts ont été détruits. L'ONG précise qu'au total, 90% des forêts d'Indonésie, où un million d'hectares disparaît chaque année, de Malaisie, de Bornéo et de Sumatra.
Conséquence: les arbres ne
jouent plus leur rôle d'absorbeur de gaz à effet de serre, et la
libération du CO2 emprisonné lors de la destruction des forêts a un
impact très négatif sur l'environnement. Des problèmes se posent aussi
pour la biodiversité: plusieurs espèces animales vivant dans ces milieux
sont menacées, comme le rhinocéros, le tigre ou l'orang-outang.
La suppression des forêts a également des conséquences pour les
populations des pays: en Indonésie, 40% de la population dépend des
forêts, souligne WWF.
Est-elle mauvaise pour la santé?
Autre
raison du désamour pour l'huile de palme: le risque qu'elle fait peser
sur la santé. L'huile contient 45% d'acides gras saturés, qui provoquent
des problèmes vasculaires. Des désaccords existent toutefois sur ce
point parmi les spécialistes. L'huile de palme a certains avantages nutritionnels,
notamment par rapport aux acides gras transformés, présents dans les
huiles végétales hydrogénées. Aux États-Unis, ces substances interdites
mardi vont d'ailleurs être remplacées par l'huile de palme. Et d'autres
matières grasses contiennent davantage d'acides gras saturés. Le
problème est qu'il est très difficile de contrôler la quantité que l'on
en consomme car l'huile est utilisée dans un très grand nombre de
produits alimentaires. Selon WWF, un palmier à huile est nécessaire pour
couvrir la consommation annuelle d'une famille française.
L'huile certifiée durable va-t-elle sauver les forêts?
Depuis
2003, une certification a été mise en place par la RSPO (Table-ronde
sur l'huile de palme durable), qui rassemble plusieurs ONG et
professionnels, basée notamment sur
la transparence, la préservation des ressources naturelles et de la
biodiversité, ainsi que le respect des employés. Actuellement, 12,53
millions de tonnes d'huile ainsi certifiée sont produites, soit 20% de
la production mondiale.
Mais pour Greenpeace, «la certification
RSPO n'est pas suffisante, car elle ne comporte pas de critère de
non-déforestation», explique Jérôme Frignet, responsable de la campagne
Fôrets. D'après lui, les études menées par RSPO on montré que seulement
10% des forêts avaient pu être préservées en Indonésie grâce à cette
certification. «À Greenpeace, nous maintenons l'objectif de conserver
100% des forêts avec l'engagement zéro déforestation.»
Un objectif supplémentaire accepté par certaines entreprises, face à des
exigences plus fortes des consommateurs alertés par des campagnes sur
le sujet. C'est le cas de... Ferrero. Comme Unilever, Nestlé ou
Carrefour, ou encore Cargill, premier négociant de matières premières agricoles, l'entreprise italienne a mis la pression
sur ses fournisseurs, notamment Sinar Mas, principal producteur
indonésien, les contraignant à s'engager dans une démarche zéro
déforestation.
«Ségolène Royal a raison de souligner que l'huile de palme reste un problème, mais l'exemple du Nutella
n'est pas tellement pertinent», résume Jérôme Frignet. Greenpeace note
ainsi les efforts faits en quelques années et se dit plutôt «optimiste».
«On peut doubler la production des plants existants sans intrants et
sans détruire la forêt, en utilisant de meilleures techniques»,
explique-t-il. Malgré cela, l'ONG reste vigilante: à terme, la question
de la consommation se posera, et l'inquiétude grandit vis-à-vis de la
volonté du gouvernement malaisien d'introduire l'huile de palme comme agrocarburant obligatoire, ce qui engendrerait une explosion de la consommation.
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