Ebola: Avigan, la pilule de Fujifilm porteuse d'espoir
Des pilules Avigan produits par Fujifilm présentées à Tokyo le 22 octobre 2014 | AFP/Archives | Kazuhiro Nogi
"Les résultats ont dépassé nos attentes", confie
Yuzo Toda, un des vice-présidents de Fujifilm lors d'un entretien à l'AFP, le
premier accordé à la presse depuis la publication des données préliminaires
d'un essai clinique mené en Guinée.
Ce petit comprimé beige, dont la molécule s'appelle
favipiravir, est un antigrippe approuvé en tant que tel par les autorités
nippones en mars 2014.
Son atout, selon Fujifilm, est d'empêcher la duplication du
virus à l'intérieur des cellules infectées, alors que les traitements
classiques se bornent à bloquer la libération des particules virales.
Une singularité qui a mis la puce à l'oreille d'instituts de
recherche en quête de remède contre Ebola, en train de faire des ravages en
Afrique de l'Ouest (quelque 9.177 morts sur 23.000 cas recensés depuis début
2014, pour la plupart au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée).
Après des études concluantes sur des souris, "nous
avons été approchés en septembre par un responsable de l'Inserm",
l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale, relate M.
Toda.
- 'Pas un médicament miracle' -
Il a très vite été décidé de lancer, mi-décembre, une
expérimentation cofinancée par la Commission européenne, en partenariat avec
les ONG Médecins sans frontières (MSF) et Alima (Alliance for International
Medical Action), avec de premiers résultats jugés "encourageants".
Sur les 80 participants, ceux qui se sont présentés avec une
charge virale élevée ou moyenne ont vu leur mortalité réduite de moitié (de 30
à 15%). En revanche, le médicament n'a pas été efficace chez ceux atteints à un
stade plus avancé, avec notamment de graves insuffisances rénales.
"Nous n'escomptions pas un succès avec tous les
patients, ce n'est pas un médicament miracle", souligne Hiroshi Kitaguchi,
un responsable de Toyama Chemical, la filiale de Fujifilm qui a développé
l'antiviral, "mais c'est très bonne première étape".
"Avant Avigan, il n'y avait rien, donc c'est un message
très fort adressé aux malades", renchérit un de ses collègues, Koichi
Yamada.
Les personnes infectées ne cherchaient pas à être soignées
et l'infection se propageait. "Maintenant qu'il y a un médicament
potentiel, le ministère de la Santé guinéen peut leur dire: venez le plus tôt
possible, et nous pourrons vous guérir", explique-t-il.
Cet essai, appelé Jiki (qui signifie espoir dans le dialecte
local, et incidemment "prochaine étape" en japonais), doit désormais
être poursuivi sur un plus grand nombre de volontaires.
Les responsables de Fujifilm, censés rencontrer cette
semaine des membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), espèrent
ensuite une accélération du processus afin de répondre à "l'urgence sur le
terrain". L'épidémie donne certes des signes d'accalmie, mais n'est pas
encore vaincue, a récemment mis en garde l'OMS.
Si d'autres antiviraux ont déjà ou doivent être
prochainement testés, Avigan, facile à utiliser, apparaît comme le seul en
mesure d'être rapidement produit: Fujifilm dispose de réserves suffisantes pour
20.000 personnes (et d'ingrédients pour 300.000).
- De la photo à la santé -
Pour la firme nippone de près de 80.000 salariés née en
1934, cet épisode est une étape-clef d'une stratégie de diversification entamée
dans les années 2000 pour survivre à la disparition de la photo argentique.
Depuis cette date, elle s'est livrée à une série
d'acquisitions pour un montant global de 700 milliards de yens (5 milliards
d'euros), rachetant notamment en 2008 la pépite Toyama Chemical.
"Toyama a l'inventivité, Fujifilm la force de frappe
commerciale, c'est une très bonne combinaison", estime Yuzo Toda.
Mais Fujifilm ne veut pas s'arrêter à cette réussite
indéniablement positive pour sa crédibilité dans un secteur peuplé de géants
mondiaux de longue date, et où le groupe est entré par la technologie
(radiographie, mammographie, endoscopie, échographie) et l'expertise dans le
domaine chimique acquise avec la photo.
Au côté de l'image et de la bureautique, la santé est
présentée comme le nouveau pilier de croissance, de la prévention (avec des
compléments alimentaires ou des cosmétiques) au traitement (oncologie,
infections et maladies neuromusculaires notamment), en passant par le
diagnostic via les appareils d'imagerie.
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